1. Introduction
Le marché du travail des footballeurs fait de plus en plus fi des frontières nationales. La part des joueurs expatriés dans les équipes tend à augmenter d’année en année (voir le Rapport mensuel n°19). La proportion de footballeurs qui migrent à l’étranger en cours de carrière est de plus en plus élevée.
En même temps, l’âge de première migration internationale diminue. Les joueurs les plus prometteurs sont courtisés par des clubs étrangers dès le plus jeune âge. De plus en plus de footballeurs partent à l’étranger avant même de fêter leur 18ème anniversaire et débuter dans la première équipe de leur club formateur.
Le 20ème Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES analyse l’évolution constatée depuis 1995 au sein des cinq grands championnats européens (Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie et France), ainsi que depuis 2009 pour 26 autres ligues de première division de pays membres de l’UEFA.
2. Evolution
En vingt ans, la part de joueurs actifs dans les cinq grandes ligues européennes ayant migré en cours de carrière a plus que doublé. En 1995, 24,1% des footballeurs de ces championnats avaient déjà connu une expérience à l’étranger. En 2015, ce pourcentage passe à 55,2%. À l’échelle de 31 ligues européennes, la proportion des joueurs-migrants s’est aussi accrue: de 46,3% en 2009 à 52,8% en 2016.
La plus forte mobilité internationale des joueurs va de pair avec une diminution constante de l’âge moyen de premier départ à l’étranger. Au sein des cinq grandes ligues, cette moyenne est passée de 23,2 ans en 1995 à 21,1 ans en 2015. De même, dans 31 championnats de première division européens, l’âge moyen de première migration internationale est en baisse : de 22,2 ans en 2009 à 21,7 ans en 2016.
La diminution de l’âge moyen de premier départ à l’étranger traduit l’augmentation des migrations de joueurs mineurs. Ainsi, entre 1995 et 2015, le nombre de joueurs ayant quitté leur pays avant l’âge de 18 ans actifs dans des équipes du big-5 a plus que triplé: de 51 en 1995 à 184 en 2015. Un nouveau record a été battu en 2016: 195 footballeurs (deux par club en moyenne).
La même évolution a été constatée dans les 31 ligues de première division de pays membres de l’UEFA analysées. Le nombre de footballeurs ayant migré en tant que mineurs y est passé de 444 en 2009 à 597 en 2016. Désormais, 13,8% des joueurs du big-5 ayant déjà migré en cours de carrière sont partis à l’étranger avant l’âge de 18 ans. Ce pourcentage est de 10,1% à l’échelle des 31 championnats européens.
3. Réseaux
Ce chapitre analyse l’origine des 597 footballeurs présents en octobre 2016 dans 31 ligues de première division européennes ayant migré avant l’âge de 18 ans. Nous analysons également les pays où ces joueurs sont partis. Cette approche permet de comprendre quels sont les principaux pays exportateurs, quels pays importent le plus de mineurs, ainsi que les principaux axes migratoires.
Du point de vue des origines, la grande majorité des migrants mineurs provient de pays membres de l’UEFA (73,5%). Selon les règlements de la FIFA, en effet, à certaines conditions, les clubs européens sont habilités à recruter des joueurs communautaires étrangers dès l’âge de 16 ans. De plus, les mouvements frontaliers sont consentis.
Au niveau des origines nationales, les joueurs belges sont les plus exposés à un transfert international avant l’âge de 18 ans. Les talents suédois, français, hongrois et autrichiens sont aussi souvent courtisés par des équipes d’autres pays européens dès le plus jeune âge. Les pays non-européens avec le plus de ressortissants ayant migré en tant que mineurs sont le Brésil et le Nigeria.
Un pays émerge nettement en tant que principale destination des joueurs ayant quitté leur pays en tant que mineurs : l’Angleterre. Sur les 597 footballeurs ayant migré en tant que mineurs, 180 sont partis Outre-Manche (30,1%). La puissance économique des clubs anglais leur fournit à ces derniers des arguments de poids dans la course au recrutement des footballeurs les plus prometteurs. Le deuxième plus gros importateur de mineurs est l’Italie.
À l’échelle européenne, l’axe prioritaire de migration internationale de joueurs de moins de 18 ans relie la Belgique et les Pays-Bays. La proximité géographique, le partage d’une langue commune et l’écart de niveau dans le développement économique du football entre ces deux pays sont les principaux facteurs sous-jacents aux transferts de mineurs.
Parmi les cinq axes prioritaires, quatre ont comme destination l’Angleterre. Les pays d’origine des migrants mineurs sont dans ce cas la Suède (16 joueurs), les Pays-Bas (12), l’Espagne (12) et l’Irlande (11). Les flux de joueurs de moins de 18 ans sont aussi nombreux entre l’Autriche et l’Allemagne, le Monténégro et la Serbie, ou encore entre la Belgique et la France.
4. Conclusion
Les nombreuses études menées par l’Observatoire du football CIES depuis sa création en 2005 montrent que le marché du travail européen des footballeurs évolue dans le sens d’une concentration toujours plus forte des talents. Les écarts économiques grandissants entre clubs permettent aux plus riches de faire main basse sur les joueurs les plus prometteurs.
Ce Rapport Mensuel montre que de plus en plus de footballeurs sont confrontés à une migration internationale précoce. Comme nous le montrons dans le livre Slow foot, cette situation n’est pas sans danger. En effet, toutes choses égales par ailleurs, les joueurs qui quittent leur pays avant l’âge de 18 ans ont en moyenne des moins bonnes carrières que les footballeurs partant plus tard avec plus d’expérience dans les bagages.
Ce résultat indique que le transfert international précoce de joueurs inexpérimentés est une action comportant de sérieux risques à la fois pour les footballeurs concernés et les équipes qui les recrutent. Malheureusement, en dépit de toute logique sportive, dans un contexte très spéculatif, où nombre d’acteurs gagnent leur vie en transférant des joueurs, les flux internationaux de mineurs se développent chaque jour davantage.
Rapport mensuel n°20 - Décembre 2016 - Les mobilités internationales de joueurs mineurs