1. Introduction
Ce rapport analyse les stratégies poursuivies par les clubs en matière de rotation de l’effectif. Il se focalise sur les cinq grand ligues européennes (Premier League anglaise, Liga espagnole, Serie A italienne, Bundesliga allemande et Ligue 1 française) pour treize saisons entre 2005/06 et 2017/18. L’étude porte sur deux indicateurs : le nombre de joueurs alignés en championnat sur l’arc d’une saison et le pourcentage de minutes disputés par les onze footballeurs les plus utilisés.
Pour chacune de ces deux variables, une corrélation négative a été mesurée avec le nombre de points obtenus à la fin de la saison : moins bons les résultats, plus de turnover, ou vice versa. Dans la plupart des cas, la rotation de l’effectif ne constitue pas une solution aux problèmes rencontrés. Au contraire, trop de changements amènent souvent à une détérioration des performances.
2. Joueurs utilisés
Lors de la période analysée, les clubs du big-5 ont en moyenne aligné 27,5 joueurs par saison. Ce nombre a augmenté de 27,1 joueurs pendant les six premières saisons étudiées à 27,9 pour les sept dernières. Ce résultat montre que l’introduction de quotas limitant le nombre de joueurs que les équipes sont habilitées à inscrire dans l’effectif n’a pas eu de véritable effet. La possibilité de renouveler les listes en janvier et les exceptions pour les jeunes joueurs réduisent en effet fortement l’impact de cette mesure.
Figure 1 : joueurs alignés en championnat par club et saison, big-5 (2005-2018)
L’analyse par ligue met en évidence l’existence de différences significatives. En moyenne, sur l’arc d’une saison, les équipes de Bundesliga alignent 2,3 joueurs de moins que les clubs de Serie A. Cet écart reflète en partie le moins grand nombre de matchs disputés en Allemagne par rapport aux autres championnats du big-5 : 34 comparé à 38. Il reflète également la moins grande activité sur le marché des transferts des clubs allemands tant en été après le début des championnats qu’en hiver.
Figure 2 : joueurs alignés en championnat par club et saison, par ligue (2005-2018)
Les écarts entre clubs dans le nombre de joueurs alignés sont encore plus notables que par ligue. Le niveau record de footballeurs utilisés en championnat sur l’arc d’une saison a été enregistré pour Benevento en 2017/18 : 41 joueurs. Le club italien avait finalement été relégué. Treize des dix-neuf clubs ayant aligné plus de 35 joueurs sur une saison ont connu le même sort. Un résultat qui montre sans ambiguïté qu’aligner trop de joueurs impacte négativement les performances.
Figure 3 : nombre maximal de joueurs alignés en championnat par club et saison, big-5 (2005-2018)* Classement à l’issue de la saison / [REL]: équipe reléguée
Lors de la période étudiée, la seule équipe ayant utilisé moins de 20 joueurs en championnat sur l’arc d’une saison a été Borussia Mönchengladbach en 2014/15. Ceci n’a pas empêché le club allemand de terminer à une brillante troisième place. L’équipe alors dirigée par Lucien Favre, un entraîneur peu enclin à faire tourner l’effectif, avait aussi atteint les huitièmes de finale de la Ligue Europa. Toutes les équipes ayant fait le plus confiance à un petit noyau de joueurs ont obtenu des résultats satisfaisants.
Figure 4 : nombre minimum de joueurs alignés en championnat par club et saison, big-5 (2005-2018)* Classement à l’issue de la saison / ** Classement annulé
3. Concentration du temps de jeu
L’indicateur du pourcentage moyen de minutes de championnat disputés par les onze joueurs les plus utilisés par équipe confirme les résultats exposés ci-dessus. À l’échelle du big-5, ce pourcentage a légèrement diminué de 72,0% lors des six premières saisons analysées à 71,1% pour les sept dernières. Une baisse a été observée dans toutes les ligues à l’exception de la Premier League anglaise.
Figure 5 : % de minutes de championnat des onze joueurs les plus utilisés par club et saison, big-5 (2005-2018)
Entre 2005/06 et 2017/18, les onze joueurs les plus utilisés par équipe et par saison ont disputé 73,2% des minutes de championnat en Bundesliga allemande. Ce pourcentage n’a été que de 70,3% en Serie A italienne et en Liga espagnole. Les valeurs mesurées pour la Premier League anglaise et la Ligue 1 française se rapprochent plus de celles allemandes que de celles de l’Italie ou de l’Espagne.
Figure 6 : % de minutes de championnat des onze joueurs les plus utilisés par club et saison, par ligue (2005-2018)
L’analyse du pourcentage de minutes de championnat disputés par les onze joueurs les plus utilisés par club met aussi en exergue qu’une forte rotation de l’effectif n’est pas adéquate pour obtenir des bonnes performances. Six des dix équipes dans le top 10 de ce classement ont terminé dernières lors de la saison en question. Deux autres clubs ont été relégués. Ce résultat illustre le danger réel pour les clubs de se trouver piégés dans un cercle vicieux de mauvais résultats et instabilité.
Figure 7 : % minimum de minutes de championnat disputés par les onze joueurs les plus utilisés, big-5 (2005-2018)* Classement à l’issue de la saison / [REL]: équipe reléguée
Quatre champions figurent parmi les dix équipes dont les onze joueurs les plus utilisés ont disputé le plus fort pourcentage de minutes de championnat : Leicester City (2015/16), Chelsea (2016/17), LOSC Lille (2010/11) et Borussia Dortmund (2010/11). La valeur la plus élevée dans l’absolu a été enregistrée pour Naples lors de la saison 2015/16. L’équipe du Sud de l’Italie avait alors terminé à une excellente deuxième place.
Figure 8 : % maximum de minutes de championnat disputés par les onze joueurs les plus utilisés, big-5 (2005-2018)* Classement à l’issue de la saison
4. Conclusion
L’existence d’une corrélation négative entre le nombre de joueurs utilisés et les points réalisés confirme la pertinence de se baser sur un noyau dur de footballeurs pour optimiser la performance. Le nombre moyen de points obtenus par une équipe diminue progressivement avec le nombre de joueurs utilisés sur l’arc d’une saison. L’écart notable entre les clubs ayant aligné moins de 25 joueurs différents (1,61 points par match) et ceux qui en ont aligné plus de 32 (1,00 point par match) confirme l’impact néfaste d’un turnover très important.
Figure 9 : points par match selon le nombre de joueurs utilisés en championnat sur l’arc d’une saison, big-5 (2005-2018)
Une corrélation significativement négative a été aussi mesurée entre le pourcentage de minutes de championnat disputés par les onze footballeurs les plus utilisés par équipe et les points par match obtenus à la fin de la saison. Ce résultat confirme qu’effectuer beaucoup de changements dans le onze de base n’est pas une stratégie valable pour obtenir des bons résultats.
Figure 10 : points par match selon le % des minutes de championnat des onze joueurs les plus utilisés par club, big-5 (2005-2018)
S’il est certainement plus aisé de tourner faiblement l’effectif lorsque les résultats sont satisfaisants, trop de changements dans les formations alignées et la réalisation de beaucoup de transferts lors du mercato de janvier ne permettent pas aux équipes d’améliorer les résultats quand les performances sont mauvaises. Bien au contraire, des changements trop fréquents tendent à affecter la confiance des joueurs et empirer la situation.
Rapport mensuel n°38 - Octobre 2018 - Rotation de l’effectif dans les cinq grandes ligues européennes