1. Introduction
Le 17ème Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES analyse l’évolution des sommes dépensées en indemnités de transfert par les équipes des cinq grandes ligues européennes entre janvier 2010 et septembre 2016. Les résultats indiquent que les investissements ont augmenté de manière presque continue d’année en année pour atteindre un nouveau record en 2016 : 4,2 milliards €.
Le Rapport analyse également le profil des bénéficiaires des indemnités de transfert payées par les clubs du big-5. Il montre que les flux financiers restent principalement confinés au sein des cinq grands championnats. Lors des sept années couvertes par l’étude, environ deux tiers des sommes investies par les équipes du big-5 ont bénéficié à d’autres clubs faisant partie de ces ligues.
2. Evolution des indemnités de transfert
Lors du dernier mercato d’été, les équipes du big-5 ont dépensé 3,7 milliards € pour recruter des nouveaux joueurs. En ajoutant les indemnités payées en janvier, le montant atteint un record de 4,2 milliards € en 2016. À titre de comparaison, cette somme avait été d’environ 1,5 milliards € en 2010. À l’exception de 2012, les dépenses ont augmenté chaque année.
La Premier League est le championnat dont les clubs dépensent le plus pour recruter des nouveaux joueurs. Les investissements sont passés de 475 millions € en 2010 à presque 1,8 milliards € en 2016. La part des dépenses des équipes anglaises par rapport aux investissements de l’ensemble des clubs du big-5 s’est fortement accrue lors de la période prise en compte: de 31,1% en 2010 à 42,3% en 2016. Ce résultat traduit la montée en puissance du championnat anglais.
Comparée aux autres ligues analysées, la part des sommes investies par les trois clubs les plus dépensiers est relativement faible en Angleterre. Ce résultat reflète une meilleure distribution des ressources au sein du championnat anglais. Sur l’arc de la période étudiée, les trois clubs de Premier League ayant payé le plus d’indemnités de transfert par an ont représenté 41% du total des dépenses. Il s’agit du plus faible pourcentage parmi les cinq championnats pris en compte.
L’Italie est le deuxième pays dont les clubs de première division ont le plus investi sur le marché des transferts entre 2010 et 2016 : 4,3 milliards €. Cependant, la diminution progressive de la part représentée par les clubs de Serie A dans le montant total des dépenses des équipes du big-5 illustre la perte de vitesse du football italien au niveau international. Les investissements des clubs de Serie A ont constitué 26,5% du total en 2010, contre seulement 20,4% en 2016.
Depuis 2014, une concentration des investissements est en cours en Italie. Ce processus traduit en premier lieu le décrochage intervenu entre la Juventus et les autres équipes de la Péninsule, les deux clubs de Milan notamment. À l’heure actuelle, il est difficile de prédire si le rachat de ces derniers par des investisseurs asiatiques sera de nature à changer la donne dans un avenir proche.
Comme dans les autres ligues du big-5, les montants payés en indemnités de transfert par les clubs de la Liga espagnole ont augmenté entre 2010 et 2016. Le niveau de l’accroissement reste cependant nettement moins marqué qu’en Angleterre ou en Allemagne. Malgré cela, les équipes espagnoles obtiennent régulièrement les meilleurs résultats dans les compétitions européennes.
La forte concentration des dépenses par les trois clubs ayant le plus investi pour chaque période prise en compte reflète la domination économique de Real Madrid, Barcelone et, dans une moindre mesure, Atlético Madrid. Le partage plus équitable des droits de télévision instauré dès la saison 2016/17 contribuera à rééquilibrer les forces en présence. Ce changement semble avoir déjà eu un impact en 2016.
Une forte augmentation des investissements sur le marché des transferts a aussi été enregistrée en Allemagne. Le niveau mesuré en 2016 a été quatre fois supérieur à celui observé en 2010 : 698 contre 177 millions €. Ce constat reflète la bonne santé économique des équipes de Bundesliga. Nul doute que les montants vont encore augmenter lors des prochaines années.
La part des investissements des clubs de Bundesliga par rapport au total du big-5 s’est aussi fortement accrue depuis 2010 : de 11,6 à 16,6%. Néanmoins, même en 2016, la moyenne des indemnités payées par club a été inférieure à celle observée dans un championnat financièrement beaucoup moins solide comme la Serie A italienne. Cette situation traduit une approche moins spéculative du marché des transferts.
L’augmentation des dépenses en indemnités de transfert observée en France depuis 2010 est principalement liée aux moyens investis par Paris St-Germain depuis le rachat du club par des propriétaires qataris en 2011. La domination du PSG se lit aussi à travers la part très élevée des trois clubs les plus dépensiers dans les investissements totaux des équipes françaises : en moyenne 66,4% entre 2010 et 2016.
Entre 2010 et 2016, les clubs hexagonaux n’ont contribué qu’à hauteur de 10,1% aux dépenses sur le marché des transferts effectuées par les clubs du big-5. Ce résultat renvoie au statut de parent pauvre de la Ligue 1 dans le cercle des grands championnats. À l’exception de Paris St-Germain, les clubs de Ligue 1 jouent essentiellement un rôle de tremplin pour jeunes talents. Cette situation tend à se renforcer au fil du temps.
Trois équipes anglaises sont en tête du classement des clubs les plus dépensiers entre 2010 et 2016. Manchester City devance Chelsea et Manchester United. Les équipes investissant le plus sur le marché des transferts monopolisent les premiers rangs au sein de leur championnat, ainsi que les places dans les derniers stades de compétition de la Ligue des Champions.
Six équipes anglaises font partie des 20 clubs ayant le plus investi sur le marché des transferts depuis 2010. Avec la montée en puissance de la Premier League, cette sur-représentation se renforce. Ainsi, en 2016, onze équipes du championnat de première division anglais sont présentes aux 20 premiers rangs du classement des équipes du big-5 ayant le plus dépensé pour le recrutement de nouveaux joueurs.
3. Les bénéficiaires des indemnités de transfert
Un autre angle d’approche utile pour comprendre les flux financiers liés au marché des transferts consiste à identifier les bénéficiaires des investissements consentis par les clubs du big-5. Bien que le système de transfert ait été introduit depuis une centaine d’années et réformé en 2001 notamment pour récompenser le travail des clubs formateurs, l’analyse des bénéficiaires des sommes investies par les clubs du big-5 montre que son pouvoir de redistribution pourrait être amélioré*.
[*Dans le livre Slow foot, les auteurs de ce Rapport ont proposé une réforme du système de transfert dans le sens d’une plus grande solidarité. Voir aussi le Rapport Mensuel n° 3, Sommes de transfert et résultats.]
Entre 2010 et 2016, environ deux tiers des sommes investies par les clubs du big-5 ont été versées à d’autres équipes participant aux cinq grands championnats européens. Sur les 19,5 milliards € dépensés par les équipes du big-5 lors des sept années analysées, 12,9 milliards € ont bénéficié à des clubs de ces mêmes championnats.
Si les clubs ayant investi le plus en indemnités de transfert sont logiquement parmi les plus riches, la plupart des équipes ayant encaissé le plus d’argent font également partie du cercle restreint des clubs financièrement dominants. Real Madrid, par exemple, se classe 7ème au niveau des dépenses et 9ème au niveau des recettes.
À l’image du Real Madrid, la majorité des clubs parmi les vingt ayant obtenu le plus d’argent par le transfert de joueurs à des équipes du big-5 figurent aussi aux 20 premières places des clubs les plus dépensiers. De ce point de vue, Séville, Udinese, Southampton et Genoa constituent les seules exceptions. Aux trois premiers rangs du classement on trouve Liverpool, Valence et Juventus.
Benfica (4ème) et Porto (5ème) sont les deux seuls clubs situés en dehors des pays qui accueillent les cinq grands championnats dans le top 20 des équipes ayant encaissé le plus d’indemnités de transfert. Leur capacité hors norme à générer des recettes par le transfert de joueurs vers le big-5 est liée à leur compétitivité, mais aussi aux alliances stratégiques tissées avec des intermédiaires-clé du marché des transferts tant en Europe qu’en Amérique du Sud.
De manière générale, notre analyse montre que pour être à même de générer des plus-values conséquentes sur le marché des transferts, il est nécessaire d’avoir une force économique et un prestige suffisants pour attirer les meilleurs talents que ce soit chez les jeunes ou au niveau adulte. Dans l’état des choses, les clubs ne disposant pas d’une surface financière importante n’ont que peu de chances de tirer des gros dividendes. Une bonne intégration dans les réseaux de transfert dominants est aussi de la plus haute importance.
Rapport mensuel n°17 - Septembre 2016 - L’argent des transferts