1. Introduction

Le poste de gardien a un statut particulier dans une équipe de football. Les qualités requises pour y évoluer sont très différentes de celles demandées aux joueurs de champ. Le 22ème Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES analyse les caractéristiques des gardiens en les comparant aux footballeurs évoluant à d’autres postes. Plus particulièrement, l’étude porte sur les critères de taille, d’âge, d’origine et de mobilité.

L’échantillon pris en compte se compose des joueurs recensés dans les enquêtes annuelles menées par l’Observatoire du football CIES depuis 2009 au niveau de 31 ligues de première division de pays membres de l’UEFA. Au total, 3’762 gardiens et 28’199 joueurs de champ font partie de l’étude.

2. Taille : toujours plus grands

L’analyse de la taille des joueurs ayant évolué entre 2009 et 2016 dans les 31 championnats de première division pris en compte fait apparaître d’importantes différences selon le poste. Les gardiens affichent de loin la plus haute valeur en termes de taille : 188,8 cm. À l’autre extrême, les milieux-de-terrain ne mesurent « que » 179,1 cm.

De plus, alors que la taille moyenne des défenseurs, des milieux et des attaquants reste stable, celle des gardiens augmente : de 188,5 cm en 2009 à 189,1 cm en 2016. Si cette évolution se poursuit, les gardiens ne dépassant pas les 190 cm seront rares dans le football d’élite.

​

La taille des gardiens varie de manière notable selon les ligues. Aucun championnat n’a réuni entre 2009 et 2016 de gardiens aussi grands que la Premier League anglaise : 191,2 cm en moyenne. À l’opposé, dans la première division israélienne, les gardiens ne mesurent « que » 186,5 cm. Les gardiens dans la Liga espagnole et la Ligue 1 française sont en moyenne aussi entre 4 et 5 centimètres plus petits que les gardiens de Premier League anglaise et de Bundesliga allemande.

​

3. Âge : une prime à l’expérience

L’âge est aussi un critère qui permet de différencier les gardiens par rapport aux joueurs de champ. En moyenne, au sein des effectifs, les plus jeunes joueurs se concentrent parmi les attaquants. À l’opposé, les gardiens sont les plus âgés. Cet écart s’explique par des différences dans les exigences physiques selon le poste, ainsi que par l’importance du critère de l’expérience pour exceller dans le rôle de gardien.

Les différences sont encore plus marquées quand on prend en compte les temps de jeu des joueurs. Si l’âge moyen sur le terrain est supérieur à l’âge moyen des joueurs dans l’effectif au niveau de tous les postes, l’écart le plus fort a été mesuré chez les gardiens. Ce résultat renvoie au plus grand différentiel de temps de jeu à la faveur des joueurs plus âgés au niveau des gardiens que parmi les joueurs de champ.

​

L’âge des gardiens varie beaucoup selon la ligue. Entre 2009 et 2016, le championnat ayant réuni les plus jeunes gardiens est la première division croate : 24,3 ans en moyenne. Les valeurs enregistrées en Angleterre (29,1 ans) et en Italie (29,0 ans) sont nettement plus élevées. Si les clubs croates n’hésitent pas à faire confiance à des jeunes gardiens, les bien plus riches équipes anglaises et italiennes sont beaucoup plus réticentes à le faire.

​

4. Origine : un marché moins international

Les gardiens se différencient des joueurs de champ aussi par leur origine. Alors que le pourcentage d’expatriés parmi les attaquants s’approche de 50% entre 2009 et 2016, cette valeur n’est que de 26,0% au niveau des gardiens. La part des joueurs expatriés est aussi bien plus élevée parmi les défenseurs et les milieux que chez les gardiens.

Les différences dans le pourcentage d’expatriés s’amenuisent en prenant en compte le temps de jeu. Entre le 1er juillet et le 31 décembre 2016, les expatriés ont disputé 33,2% des minutes parmi les gardiens. Cette valeur n’est que d’environ 5% supérieure pour les défenseurs et des milieux. Moins nombreux, les gardiens expatriés bénéficient donc comparativement d’un plus grand temps de jeu que les expatriés évoluant à d’autres postes.

​

L’analyse temporelle confirme la particularité du marché des gardiens du point de vue de son caractère international. Entre 2009 et 2016, le pourcentage d’expatriés est resté stable chez les gardiens. La part de joueurs expatriés a par contre augmenté au niveau de tous les autres postes : de +3,2% parmi les milieux-de-terrain à +6,6% pour les attaquants.

​

Le pourcentage de gardiens expatriés dans les effectifs varie énormément en fonction des ligues. Dans deux championnats, cette valeur dépasse 50% : en Angleterre (62,1%) et à Chypre (56,1%). À l’opposé, moins de 10% des gardiens présents entre 2009 et 2016 dans les effectifs des équipes de première division croate et ukrainienne ont été importés de l’étranger.

​

5. Mobilité : un poste plus stable

Par rapport aux joueurs de champ, les gardiens connaissent une moins forte mobilité. Leur permanence moyenne dans le club d’appartenance est de 2,63 ans. Si la valeur mesurée chez les défenseurs est similaire, celles observées pour les milieux et, encore davantage, pour les attaquants, sont bien plus faibles.

Le plus fort écart de stabilité entre titulaires et remplaçants mesuré parmi les gardiens que parmi les joueurs évoluant à d’autres postes reflète la nécessité pour nombre de gardiens de changer d’air afine d’obtenir du temps de jeu. En effet, la rotation chez les gardiens étant peu fréquente, les remplaçants sont souvent obligés de partir dans l’espoir d’accumuler ailleurs de l’expérience.

​

Le championnat allemand est celui où les gardiens restent le plus longtemps dans leur club d’appartenance. À l’autre extrême, on trouve les équipes serbes et cypriotes. Les mêmes écarts de mobilité entre ligues existent au niveau des joueurs de champ. Ils renvoient à la plus grande instabilité générale des équipes qui règne dans bien de pays d’Europe de l’Est et du Sud (voir Rapport Mensuel 19).

​

6. Conclusion

L’analyse confirme la spécificité du poste de gardien au regard des critères pris en compte. Du point de vue de la taille, les clubs sont de plus en plus réticents à promouvoir des gardiens mesurant moins de 190 centimètres. Ce constat est d’autant plus vrai en Angleterre et en Allemagne, où la taille moyenne des gardiens dépasse d’ores et déjà les 190 centimètres.

Du point de vue de l’âge, notre analyse confirme la plus grande longévité des gardiens. La prime à l’expérience est particulièrement frappante en Angleterre et en Italie. Dans les deux cas, les gardiens ont en moyenne plus de 29 ans. Dans toutes les ligues, les gardiens titulaires sont plus âgés que les remplaçants.

Le troisième constat est que le marché des gardiens est beaucoup moins international que celui des joueurs de champ. La différence est particulièrement nette par rapport aux attaquants. Le pourcentage d’expatriés à ce dernier poste est presque deux fois plus élevé que pour les gardiens. Notre analyse montre également que l’écart au niveau du pourcentage d’expatriés entre les gardiens et les joueurs de champ tend à s’accroître.

Enfin, l’étude met en exergue la plus grande stabilité des gardiens. Leur permanence moyenne dans l’équipe d’appartenance est bien plus élevée que pour les joueurs de champ. Dans ce cas aussi, la plus forte différence a été observée par rapport aux attaquants. Notre analyse confirme donc pleinement le statut particulier des gardiens dans le marché du travail des footballeurs.