1. Introduction
La 36ème édition du Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES développe l’étude présentée au mois de juin 2017 sur les caractéristiques démographiques des clubs de ligues féminines. Le rapport analyse la composition des effectifs dans cinq championnats parmi les plus développés de la planète : quatre européens (Allemagne, Suède, France et Angleterre), ainsi que la National Women’s Soccer League états-unienne.
L’analyse porte sur les critères d’âge, d’origine et de statut international des joueuses. Le temps de jeu de chaque footballeuse est pris en compte de manière à présenter des statistiques « sur le terrain ». Les données sur les principales origines expatriées font référence à toutes les joueuses alignées ou présentes au moins une fois sur le banc lors de matchs de championnat depuis le début de la saison jusqu’au 1er juin 2018.
2. Âge
L’âge moyen des compositions alignées par les équipes des cinq ligues étudiées est de 25,4 ans. Même si encore relativement jeune, l’âge s’est accru par rapport à l’année précédente (+0,3 ans). L’augmentation a été particulièrement marquée en Angleterre (+1,1 ans) et en France (+0,7 ans). Le développement économique des championnats analysés s’accompagne d’un accroissement de l’âge moyen des joueuses.
Figure 1 : âge moyen sur le terrain, par ligue
Les clubs de la National Women’s Soccer League américaine ont aligné les compositions les plus expérimentées : 26,7 ans. À l’opposé se trouvent les équipes de la Women’s Super League anglaise : 25,0 ans. Les écarts entre les compétitions couvertes ont diminué par rapport à 2017. Ce résultat indique que la professionnalisation du football féminin va de pair avec une convergence entre les ligues les plus développées du point de vue de l’âge.
Les trois clubs ayant en moyenne aligné les compositions les plus jeunes font partie de la Women’s Super League anglaise : Yeovil Town, Bristol City et Everton. Au contraire, trois des quatre équipes les plus expérimentées jouent dans la National Women’s Soccer League américaine : Seattle Reign, Utah Royals et Orlando Pride. Les finalistes de la Ligue des Champions UEFA, Olympique Lyonnais et Wolfsburg, font aussi partie des dix équipes ayant évolué avec les compositions les plus âgées.
Figure 2 : âge moyen des compositions les plus/moins jeunes
3. Expatriées
Le football féminin suscite de plus en plus de migrations internationales. Au 1er juin 2017, 300 footballeuses étaient expatriées dans les 55 clubs analysés : 5,4 par équipe (24,0% des effectifs). Une année après, ce nombre est passé à 348 : 6,3 par équipe (27,2%). La notion d’expatriée fait référence aux joueuses évoluant en dehors de l’association où elles ont commencé à pratiquer le football, qu’elles ont quitté suite au recrutement par un club étranger.
Figure 3 : % de minutes des expatriées, par ligue
Les expatriées ont disputé au moins un quart des minutes de jeu dans toutes les ligues analysées : de 27,5% dans la Division 1 française à 35,2% dans la National Women’s Soccer League américaine. Dans ce cas aussi, une convergence a été observée parmi les compétitions étudiées. Le développement économique du football féminin stimule la mobilité internationale des joueuses. Ce processus va probablement amener à une ultérieure augmentation de la présence expatriée tant sur le terrain que dans les effectifs.
Le plus fort pourcentage de minutes disputées par les expatriées a été mesuré à Arsenal (65,5%). Les footballeuses expatriées ont joué une majorité de minutes dans six autres équipes, y compris le finaliste de la Ligue des Champions UEFA Wolfsburg (60,9%). Le gagnant de la compétition, Olympique Lyonnais, figurent aussi dans le top 20 (40,8%). Seulement un des 55 clubs analysés n’a pas aligné de joueuses expatriées : SGS Essen en Allemagne. En 2017, cinq équipes se trouvaient dans ce cas de figure.
Figure 4 : plus forts % de minutes des expatriées, par club
Si on ne prend pas en compte les Galloises en Angleterre, le Canada est le principal exportateur de joueuses vers les championnats analysés dans ce rapport. Au 1er juin 2018, 27 Canadiennes évoluaient dans les ligues étudiées. Les États-uniennes (22 joueuses, dont 10 en Suède) et les Néerlandaises (20 expatriées, dont 9 en Angleterre) sont aussi très bien représentées. Au total, 50 associations ont des représentantes expatriées dans les ligues étudiées (+ 3 par rapport à 2017).
Figure 5 : principales origines des expatriées
4. Internationales
Au 1er juin 2018, les joueuses ayant déjà évolué pour une sélection nationale A constituaient 36,5% des effectifs des équipes étudiées. Ces joueurs avaient disputé 49,5% des minutes de jeu (+5% par rapport au même moment de la saison en 2017). Cette augmentation reflète l’accroissement de la présence des expatriées. Elle traduit également la place centrale des ligues analysées dans l’économie globale du football féminin.
Figure 6 : % de minutes des internationales, par ligue
Le pourcentage de minutes des internationales est supérieur au tiers dans toutes les compétitions couvertes. Il varie entre 37,8% dans la Damallsvenskan et 57,1% dans la National Women’s Soccer League américaine. La plus forte croissance par rapport à 2017 a été mesurée dans la Division 1 française : de 34,8% à 48,2% (+13,4%). Une légère baisse a été observée dans deux des cinq championnats pris en compte : la Damallsvenskan (-4,5%) et la Frauen Bundesliga (-2,1%).
Les équipes féminines les plus compétitives alignent presqu’exclusivement des joueuses disposant d’une expérience internationale. Les valeurs les plus élevées en absolu ont été mesurées pour les finalistes de la Ligue des Champions UEFA : Wolfsburg (95,5%) et Olympique Lyonnais (95,4%). Les internationales ont disputé une majorité des minutes de championnat dans 22 autres équipes. À l’opposé, les pourcentages les plus faibles ont été enregistrés à Hammarby (5,6%), Sunderland (7,8%) et Växjö (8,9%).
Figure 7 : plus forts % de minutes des internationales, par club
5. Conclusion
Le développement et la professionnalisation du football féminin s’accompagnent de différents processus déjà observés chez les hommes. Une convergence existe notamment au niveau de l’âge. Même si en moyenne toujours plus jeunes que leurs collègues masculins, les femmes évoluant dans les ligues analysées deviennent progressivement plus âgées. Jusqu’à une certaine limite, ce processus va probablement se poursuivre dans les années à venir.
Une deuxième évolution constatée dans le football professionnel féminin est l’augmentation de la présence de joueuses expatriées. Bien que toujours en dessous des niveaux observés dans les ligues masculines les plus compétitives, le nombre d’expatriées dans les championnats féminins les plus développés est en hausse. Dans ce cas aussi, une nouvelle augmentation est attendue dans les prochaines années. La diversité des origines représentées devrait aussi s’accroître.
Enfin, comme pour le football des hommes, sans mesures correctives, les écarts financiers entre clubs tant à l’échelle nationale qu’internationale vont augmenter. Le développement économique du football féminin va en effet bénéficier à certaines équipes et championnats bien plus qu’à d’autres. La forte concentration des joueuses internationales dans certains clubs des ligues analysées illustre d’ores et déjà ce processus.
De ce point de vue, ce n’est pas un hasard si des clubs masculins dominants tels que Chelsea, Bayern München, Paris St-Germain, Arsenal ou Manchester City figurent aux premières places du classement des équipes alignant les plus fortes proportions d’internationales. Dans le top 10, seuls Rosengård et North Carolina Courage n’ont pas d’équipe professionnelle chez les hommes.
Rapport mensuel n°36 - Juin 2018 - Analyse démographique de cinq grandes ligues féminines