1. Introduction
Ce Rapport Mensuel analyse l’évolution de l’équilibre compétitif dans la phase de groupes de la Ligue des Champions depuis l’introduction de la formule actuelle en 2003/04. Les différents indicateurs analysés illustrent une nette tendance vers moins d’équilibre et plus de prévisibilité.
Les efforts de l’UEFA pour endiguer ce processus par l’octroi d’un accès facilité à la phase de groupes aux représentants de pays accueillant les ligues les plus riches n’ont pas été couronnés de succès compte-tenu de l’ampleur des écarts économiques existants, y compris à l’intérieur de ces championnats. Une profonde réflexion est nécessaire pour préserver un niveau suffisant d’équilibre sportif et économique, tant au sein de la compétition que dans le football européen.
2. Répartition des points
Une première analyse se focalise sur la répartition des points à l’issue de la phase de groupes. Les seize saisons étudiées ont été regroupées en quatre blocs de quatre saisons de manière à atténuer l’effet des variations annuelles. Cette analyse montre que les premiers de groupe ont progressivement obtenu plus de points et significativement amélioré leur différence de buts à l’issue de la phase de poules.
Figure 1 : points par match et différence de buts des premiers de groupe, Ligue des Champions (2003-2018)
La même analyse pour les équipes classées à la dernière place de leur groupe montre un processus opposé. Les points par match réalisés par ces clubs sont passés de 0,59 entre 2003 et 2006 à 0,45 lors des quatre dernières saisons analysées. La différence de buts agrégée s’est aussi empirée en passant de -6,7 à -9,1 entre ces deux mêmes périodes.
Figure 2 : points par match et différence de buts des derniers de groupe, Ligue des Champions (2003-2018)
3. Écarts de buts
Une deuxième analyse pour comprendre l’évolution de l’équilibre compétitif en Ligue des Champions consiste à mesurer l’écart moyen de buts lors des rencontres de la phase de groupe. Une valeur plus élevée reflète un plus grand déséquilibre à l’échelle des matchs. Cette analyse confirme le constat d’une baisse constante et progressive de l’équilibre compétitif.
Figure 3 : différence moyenne de buts des matchs de groupe, Ligue des Champions (2003-2018)
L’augmentation de l’écart de buts lors des rencontres de la phase de poule est notamment liée à l’accroissement des matchs se terminant avec au moins trois buts de différence. Le pourcentage des rencontres très déséquilibrées est passé de 16,9% lors des quatre premières saisons analysées à un niveau record de 22,9% entre 2015 et 2018.
Figure 4 : % des matchs de groupe avec trois ou plus buts d’écart, Ligue des Champions (2003-2018)
4. Imprévisibilité
Pour mesurer l’imprévisibilité des rencontres, nous avons récolté les cotes des équipes sur le marché des paris depuis 2004/05. Les quinze saisons retenues dans le cadre de cette analyse ont été regroupées en trois blocs de cinq. Le degré de corrélation entre les probabilités estimées et les résultats réels est un bon indicateur pour déterminer la capacité du marché à prédire l’issue des rencontres. La forte augmentation observée confirme le constat d’une plus grande prévisibilité.
Figure 5 : corrélation entre probabilités estimées et résultats des matchs, Ligue des Champions (2004-2018)
La plus grande prévisibilité peut aussi se lire par l’accroissement de la part des rencontres où l’équipe nettement favorite remporte le match. Un seuil de 60% de chances de succès a été retenu pour cette analyse. Il en ressort que les grands favoris remportent de plus en plus souvent la victoire : dans 81,4% des cas à domicile entre 2014 et 2018 (+5,3% par rapport à 2004-2008) et 74,6% des fois à l’extérieur (+12,1%).
Figure 6 : % de rencontres où le grand favori est gagnant, Ligue des Champions (2004-2018)
5. Conclusion
Dans le contexte actuel, avec le même nombre de participants, seule une meilleure distribution des ressources tant internationalement que nationalement permettrait de ramener un peu plus d’équilibre dans la phase de groupes de la Ligue des Champions. Cette solution se heurte cependant à l’opposition des clubs financièrement dominants.
Une solution alternative consisterait à réduire drastiquement le nombre d’équipes ayant accès à la phase de groupes. Un tel changement exclurait cependant encore davantage les représentants des pays avec un marché footballistique moins développé. Ceci irait à l’encontre du rôle fédérateur de l’UEFA et provoquerait également une forte opposition.
Confrontée à des pressions multiples, l’UEFA se trouve aujourd’hui dans une impasse. Un bon compromis consisterait à réduire le nombre de participants à la phase de groupes de la Ligue des Champions, tout en gardant un système de compétition ouvert. Contrairement à la dernière réforme, il s’agirait également de garantir une part plus importante des recettes aux clubs participant aux autres compétitions européennes et de renforcer la solidarité vers les autres clubs et pays.
La solidarité pourrait par exemple s’opérer sur une base méritocratique en réservant une partie des recettes tirées de l’organisation de la compétition à l’ensemble des équipes ayant participé à la formation des joueurs utilisés au prorata du nombre de saisons passées dans chaque club depuis leur plus jeune âge.
Cette mesure pourrait aussi s’appliquer aux équipes non-européennes, où nombre de talents sont formés. Un tel mécanisme de redistribution aurait le grand mérite de reconnaître le rôle fondamental joué par une multitude de clubs pour développer les joueurs assurant le spectacle de haute qualité que les grandes équipes produisent et dont elles bénéficient.
Rapport mensuel n°42 - Février 2019 - Évolution de l’équilibre compétitif en Ligue des Champions