1. Introduction

Depuis sa création en 2005, l’Observatoire du football CIES monitore les transferts de joueurs à travers les informations publiées par les clubs et les médias. Ce Rapport Mensuel analyse les transactions payantes intervenues depuis 2010 ayant impliqué des équipes des cinq grands championnats européens: Premier League anglaise, Liga espagnole, Bundesliga allemande, Serie A italienne et Ligue 1 française.

En quatre chapitres, l’étude analyse les sommes payées en indemnités de transfert par les équipes du big-5, les clubs et championnats auxquels ces investissements ont bénéficié, les bilans financiers nets tant à l’échelle des équipes que des ligues, ainsi que l’inflation observée chaque année depuis 2010. Cette dernière est calculée à partir de l’algorithme sur les valeurs de transfert exclusivement développé par l’Observatoire du football CIES.

Les chiffres publiés incluent les indemnités de transfert fixes, les éventuels bonus, ainsi que les sommes versées dans le contexte de prêts payants. Les montants négociés dans le cadre de prêts avec obligation d’achat sont inclus dans le décompte pour l’année du transfert. Dans la limite des informations disponibles, les données sur les bénéficiaires prennent en compte les pourcentages à la revente négociés par les clubs précédents.

2. Investissements

Un nouveau record de dépenses a été enregistré en 2019 : €6,6 milliards. Il s’agit d’une somme de presque 10% supérieure au précédent record de 2017. En dix ans, les investissements en indemnités de transfert effectués par les clubs du big-5 ont augmenté de plus que quatre fois. Dans deux cas seulement, en 2012 et 2018, les montants payés ont été inférieurs à ceux versés l’année précédente.

Figure 1: investissements en indemnités de transfert des clubs du big-5

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Fig.1: Investissements en indemnités de transfert des clubs du big-5

En 2019, un nouveau record de dépenses a été établi dans trois des cinq ligues étudiées: Liga, Serie A et Bundesliga. À l’image des neuf années précédentes, c’est en Angleterre que les clubs ont investi les montants les plus élevés pour le recrutement de nouveaux joueurs : €1,9 milliards. Lors de la dernière décennie, les investissements en indemnités de transfert des équipes de Premier League ont représenté 35,8% du total mesuré à l’échelle du big-5. Cette proportion a passablement diminué depuis deux ans en lien avec le choix de clôturer la période des transferts estivale avant le début de la saison.

Figure 2: investissements en indemnités de transfert par ligue

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Figure 2: investissements en indemnités de transfert par ligue

Le classement des clubs ayant investi le plus en indemnités de transfert depuis 2010 donne à voir l’incroyable puissance financière d’une poignée d’équipes dominantes. Si aucun club n’a dépensé autant que Manchester City (€1,6 milliards), huit autres équipes ont investi plus d’un milliard d’euros en dix ans. Tous les finalistes de la Ligue des Champions depuis 2005 font partie des vingt équipes ayant le plus dépensé lors de la dernière décennie.

Figure 3: investissements en indemnités de transfert par club (2010-2019)

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Figure 3: investissements en indemnités de transfert par club, millions € (2010-2019)

En 2019, trois clubs espagnols figurent en tête du classement des clubs ayant payé le plus d’indemnités de transfert. Ce résultat traduit un besoin conjoncturel de renouvellement des effectifs, mais aussi des possibilités matérielles importantes liées à la montée en puissance de la première division espagnole en tant que deuxième championnat le plus riche de la planète après la Premier League.

Figure 4: investissements en indemnités de transfert par club (2019)

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Figure 4: investissements en indemnités de transfert par club (2019)

3. Encaissements

L’analyse des équipes ayant bénéficié des indemnités de transfert payées par les clubs du big-5 lors des dix dernières années montre que la plupart de l’argent reste à l’intérieur de ces championnats: 66,0% du total. Un pourcentage similaire a été enregistré en 2019. Le niveau élevé de ces proportions reflète le fait que les transferts les plus chers ont généralement cours entre clubs des cinq grands championnats européens.

Figure 5: récipiendaires des indemnités de transfert payées par les clubs du big-5

Figure 5: récipiendaires des indemnités de transfert payées par les clubs du big-5 (2010-2019)
Figure 5: récipiendaires des indemnités de transfert payées par les clubs du big-5 (2019)

Avec plus d’un milliard d’euros encaissé depuis janvier 2010, Monaco est l’équipe ayant le plus bénéficié des investissements réalisés par les clubs du big-5 pour le recrutement de nouveaux joueurs. Chelsea et Juventus ont aussi reçu beaucoup d’argent. Cependant, comme pour les autres grands clubs présents dans ce classement, les sommes encaissées sont inférieures à celles dépensées. Seulement trois équipes extérieures aux cinq grands championnats figurent aux vingt premières places : Benfica (4ème, €780 millions), Porto (11ème, €592 millions) et Ajax (14ème, €513 millions).

Figure 6: principaux clubs récipiendaires des indemnités de transfert payées par les équipes du big-5 (2010-2019)

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Figure 6: principaux clubs récipiendaires des indemnités de transfert payées par les équipes du big-5, millions € (2010-2019)

4. Bilans nets

Pour une compréhension optimale de l’économie du marché des transferts, au-delà des sommes dépensées et des récipiendaires, il est judicieux d’étudier le bilan net des opérations. Lors de la dernière décennie, les clubs du big-5 présentent un déficit cumulé de €8,9 milliards. À eux seuls, les clubs de Premier League ont un bilan négatif de €6,5 milliards.

Malgré les investissements considérables effectués par Paris St-Germain (déficit cumulé de €901 millions lors de la dernière décennie), la Ligue 1 française est le seul championnat du big-5 avec un solde positif (+€359 millions). Lors des deux dernières années, le bilan financier net des opérations de transfert réalisées par les équipes de la première division hexagonale a atteint des niveaux historiques (+€485 millions au total).

Figure 7: bilans nets des transferts, ligues du big-5

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Figure 7: bilans nets des transferts, ligues du big-5

Le classement des équipes du big-5 avec le bilan financier le plus positif sur le marché des transferts depuis 2010 met de nouveau en exergue le cas exceptionnel de la Ligue 1. Trois équipes de la première division française sont aux quatre premiers rangs : LOSC Lille, Monaco et l’Olympique Lyonnais. De plus, dix d’entre elles figurent aux vingt premières places.

Figure 8: meilleurs bilans nets des transferts, clubs du big-5

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Figure 8: meilleurs bilans nets des transferts, clubs du big-5

Manchester City, Paris St-Germain, Manchester United et Barcelone présentent les bilans nets les plus négatifs en matière de transferts lors de la dernière décennie. Douze équipes de Premier League sont aux vingt premiers rangs. En outre, tous les clubs de ce championnat présentent un bilan négatif. Ceci reflète l’importance de la surface financière à disposition de l’ensemble des équipes de Premier League, une situation unique par rapport aux quatre autres championnats du big-5.

Figure 9: pires bilans nets des transferts, clubs du big-5

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Figure 9: pires bilans nets des transferts, clubs du big-5

5. Inflation

L’algorithme estimant les valeurs de transfert exclusivement développé par l’Observatoire du football CIES permet de calculer l’inflation des prix des joueurs. Le modèle statistique inclut en effet la variable de l’année lors de laquelle les transferts payants inclus dans l’échantillon ont été effectués. Les différentiels constatés au niveau de cette variable reflètent ainsi les variations annuelles des prix toutes choses égales par ailleurs. Cette analyse montre que l’inflation annuelle moyenne a été de 25,8% au cours des cinq dernières années pour un total de +181% depuis 2011.

Figure 10 : inflation des prix de transfert (2011-2019)

Figure 10 : inflation des prix de transfert (2011-2019)

Le modèle a été bâti sur un échantillon de 1’852 transferts payants. La corrélation entre sommes estimées et indemnités effectivement payées est très élevée : 86.5%. La corrélation pour les transferts intervenus lors du dernier mercato sur la base d’un modèle construit à partir des opérations payantes conclues entre janvier 2010 et janvier 2019 a aussi été très forte : 76,8%. Ceci confirme le fort pouvoir prédictif de l’algorithme de l’Observatoire du football CIES.

Figure 11 : corrélation entre valeurs estimées et indemnités payées, été 2019

Figure 11 : corrélation entre valeurs estimées et indemnités payées, été 2019

6. Conclusion

Les montants en jeu sur le marché des transferts des footballeurs ont très fortement augmenté lors de la dernière décennie. À l’échelle du big-5, les investissements en indemnités de transfert sont passés de €1,5 milliards en 2010 à un nouveau record de €6,6 milliards en 2019 (+340%). La plus forte augmentation en valeur absolue a été observée pour la Premier League anglaise (+€1,4 milliards), alors que l’accroissement le plus notable en termes relatifs a été enregistré pour la Bundesliga allemande (+395%).

L’analyse spatiale des bilans financiers nets des transferts internationaux ayant concerné des équipes du big-5 illustre le rôle-clé joué par la Premier League. Depuis 2010, six des sept relations avec les soldes monétaires les plus importants concernent la première division anglaise.

Figure 12: principaux soldes monétaires (> 100 millions €) des transferts internationaux des clubs du big-5 (2010-2019)

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Figure 12: principaux soldes monétaires (> 100 millions €) des transferts internationaux des clubs du big-5 (2010-2019)

Malgré l’augmentation des dépenses et un contexte fortement inflationniste, le recours croissant par les clubs à des payements échelonnés sur plusieurs années montre que de plus en plus d’équipes se trouvent à la limite de leurs possibilités financières. Dans un environnement de plus en plus spéculatif et inégalitaire, une part croissante de clubs même au sein des ligues les plus puissantes intègrent les plus-values réalisées sur le marché des transferts dans leur modèle financier. Cette situation n’est pas sans danger pour leur stabilité, leur indépendance et leur compétitivité.