1. Introduction

Dans le cadre du renouvellement de la collaboration entre l’Observatoire du football CIES et OptaPro, nous avons eu accès aux données de performance des équipes de la Major League Soccer des États-Unis et du Canada. Le Rapport Mensuel n° 52 analyse les données relatives à la saison régulière de l’année 2019.

Le premier chapitre met en exergue les principales différences dans les données techniques de jeu entre la MLS et les cinq grands championnats européens. Le deuxième chapitre compare les équipes de MLS du point de vue de leurs choix tactiques en matière de jeu de passes. Le troisième chapitre analyse les rapports de force au sein de la MLS en termes de tirs effectués et concédés.

2. Comparaison MLS/big-5

Le style de jeu en MLS diffère de celui pratiqué dans les cinq grands championnats européens sur deux aspects principaux : la pression sur l’adversaire et le recours au jeu aérien. Sur le premier plan, les données d’OptaPro montrent que les joueurs de MLS ont plus de latitude pour effectuer des passes dans le tiers du terrain adverse : 132 par match contre 124 en moyenne à l’échelle du big-5.

Figure 1 : passes dans le tiers adverse par match

Figure 1 : passes dans le tiers adverse par match

La valeur élevée mesurée en Premier League (131), où l’intensité de jeu est élevée, s’explique par le déséquilibre du championnat, avec la présence de plusieurs clubs dominants à même d’exercer une pression territoriale forte sur les adversaires. À l’opposé, le niveau particulièrement faible observé en Ligue 1 renvoie au plus grand équilibre entre équipes, ainsi qu’à un degré de rigueur défensive et prudence offensive que l’on ne retrouve pas en MLS.

Le nombre moyen de duels par match enregistré en MLS est inférieur à celui observé dans chacun des cinq grands championnats européens. Ce résultat reflète également la moins grande pression exercée par les joueurs sur le porteur du ballon. Compte-tenu des indicateurs analysés, il n’est pas surprenant de constater que la MLS est le championnat où les équipes arrivent à tirer le plus souvent vers le but adverse.

Figure 2 : duels par match

Figure 2 : duels par match

Figure 3 : tirs par match

Figure 3 : tirs par match

Un deuxième aspect technique différenciant la MLS des grands championnats européens est la propension à recourir au jeu aérien. En partie du fait de la moins grande pression exercée sur le porteur du ballon, les joueurs de MLS privilégient le jeu au sol. Ceci se reflète dans un nombre de duels aériens nettement inférieur : -14% par rapport au big-5 et -25% par rapport à la Premier League. Les équipes de MLS ont aussi moins recours aux centres que les clubs de n’importe quel championnat du big-5.

Figure 4 : duels aériens par match

Figure 4 : duels aériens par match

Figure 5 : centres par match (corners exclus)

Figure 5 : centres par match (corners exclus)

3. Gestion de la balle

Ce chapitre compare les équipes de MLS du point de vue de leurs choix tactiques en matière de gestion de la balle. L’analyse pour la saison 2019 permet de différencier les équipes selon le degré d’importance attribué à la possession. À un extrême, San Jose Earthquakes, New York City (club filiale de Manchester City) et Los Angeles FC ont suivi un schéma de jeu basé sur la maîtrise du ballon (>57% de possession). À l’autre extrême, les Colorado Rapids ont opté pour une tactique consistant à laisser la balle aux adversaires.

Figure 6 : % de possession de balle

Major League Soccer 2019

Figure 6 : % de possession de balle

Les écarts en termes de possession se reflètent amplement dans les statistiques sur le pourcentage de longues balles par rapport au nombre total de passes effectuées. Les longues balles définissent les passes d’une longueur supérieure à 32 mètres (centres et relances des gardiens exclus). À un extrême, presqu’un cinquième des passes tentées par Colorado Rapids ont visé des joueurs distants de plus de 32 mètres. À l’autre extrême, cette proportion a été inférieure au dixième pour Los Angeles FC.

Figure 7 : % de balles longues

Major League Soccer 2019

Figure 7 : % de balles longues (MLS 2019)

À titre de comparaison, les équipes des cinq grands championnats européens avec le jeu le plus court font moins de longues balles que celles de MLS. La valeur la plus basse dans l’absolu pour la saison 2019/20 a été mesurée pour Paris St-Germain (5,9%). Des pourcentages plus faibles que Los Angeles FC ont été enregistré aussi pour Manchester City, Borussia Dortmund, Sassuolo, Naples et Barcelone.

4. Rapports de force

Indépendamment du schéma tactique adopté en matière de gestion du ballon, l’objectif de toute équipe reste celui de marquer plus de buts que ses adversaires. Se créer des possibilités de tir tout en empêchant aux adversaires de le faire est la meilleure manière pour optimiser ses chances de réussite. De ce point de vue, l’analyse du rapport de tirs cadrés est particulièrement pertinente.

Le gagnant de la conférence Ouest, Los Angeles FC, arrive en tête du classement 2019 de la MLS en ce qui concerne le rapport de tirs cadrés. L’équipe californienne a non seulement réussi le plus de tirs cadrés (234, soit 6,9 par match), mais elle est aussi celle qui en a concédé le moins (129, soit 3,8 par rencontre). À l’autre extrême, les Canadiens de Vancouver Whitecaps ont concédé le plus de tirs aux adversaires, ce qui explique leur dernière place dans le classement (0,64).

Figure 8 : rapport de tirs cadrés

Major League Soccer 2019

Figure 8 : rapport de tirs cadrés (MLS 2019)

La comparaison des données sur le rapport de tirs entre la MLS et les grands championnats européens donne à voir le plus grand équilibre régnant aux États-Unis. L’amplitude entre les valeurs extrêmes au niveau de rapport de tirs cadrés varie en effet entre 1,89 (Ligue 1, de 2,46 à PSG à 0,55 à Amiens) et 1,37 (Bundesliga, de 1,94 au Bayern à 0,57 à Hertha) dans le big-5, alors qu’elle n’est que de 1,17 en MLS (de 1,81 à Los Angeles FC à 0,64 à Vancouver Whitecaps).

En prenant en compte la possession de la balle et le rapport de tirs sur un grand nombre de compétitions, il est possible de bâtir un modèle statistique robuste permettant de projeter les points que les équipes sont censées réaliser compte-tenu de leur volume de jeu. Le classement d’efficacité ci-dessous a été établi en comparant les points attendus avec ceux obtenus.

D.C. United a été l’équipe de MLS la plus efficace lors de la saison 2019. Elle a obtenu 0,51 points par match de plus que son volume de jeu aurait laissé présager (+53%). À l’opposé, on trouve San Jose Earthquakes (-0,41 points par match, -24%). Ces résultats s’expliquent par différentes raisons, dont les principales sont l’adresse (ou maladresse) des joueurs-clé, la chance (ou malchance), ainsi que l’intelligence (ou naïveté), tant à l’échelle individuelle (y compris au niveau des entraîneurs) que collective.

Figure 9 : classement d’efficacité

Major League Soccer 2019

Figure 9 : classement d’efficacité (MLS 2019)

5. Conclusion

La Major League Soccer a connu un développement considérable lors de la dernière décennie. L’engouement pour le soccer aux États-Unis, avec l’organisation de la Coupe du monde en point de mire, lui permettra de croître encore davantage, tant économiquement que sportivement. De ce dernier point de vue, le principal changement par rapport à la situation actuelle adviendra au niveau de l’intensité de jeu, avec plus de duels et une plus grande pression sur le porteur du ballon.

Le défi pour la MLS consiste à la fois à sa capacité à attirer des joueurs de plus en plus performants depuis l’étranger, mais aussi à former des footballeurs plus compétitifs et à les retenir plus longuement sur place. Si une partie d’entre eux continuera à rejoindre des clubs européens, l’amélioration du système de formation permettra de renforcer l’équipe nationale américaine, avec des effets très positifs sur la popularité du soccer et le développement de la MLS.