1. Introduction

La 54ème édition du Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES analyse les trajectoires de carrière des joueurs qui étaient présents dans les clubs des cinq grandes ligues européennes au mois de mars 2020 avant l’arrêt temporaire des compétions suite à la pandémie du COVID-19. L’échantillon se compose des joueurs ayant disputé des matchs de championnat depuis janvier 2020 ou lors de chacune des deux saisons précédentes.

L’analyse porte sur le dernier club où les footballeurs ont évolué avant de débuter dans une ligue du big-5 : Premier League anglaise, Liga espagnole, Serie A italienne, Bundesliga allemande ou Ligue 1 française. Cette étude permet d’identifier les clubs et pays ayant joué le rôle de tremplin pour l’accès des joueurs dans les championnats les plus riches et compétitifs au monde.

2. Âge de début

Une première analyse intéressante concerne l’âge du premier match disputé au sein des cinq grands championnats européens. En moyenne, les joueurs pris en compte ont débuté dans le big-5 à l’âge de 21,7 ans. Cette valeur varie entre 21,3 ans pour les joueurs ayant disputé leur premier match en Ligue 1 française et 22,0 ans pour ceux ayant débuté dans la Liga espagnole.

Figure 1 : âge au premier match dans le big-5, par ligue de début

Joueurs du big-5, mars 2020

Figure 1 : âge au premier match dans le big-5, par ligue de début

C’est donc en première division française que les talents reçoivent plus rapidement une chance. La raison est liée au modèle économique dominant de la Ligue 1, à savoir la valorisation de jeunes dans le but de réaliser des plus-values par leur transfert vers des championnats encore plus riches, la Premier League anglaise en particulier. L’excellence du système de formation à la française est aussi un critère d’explication.

Le poste des joueurs influence également l’âge de début de carrière dans un des cinq grands championnats européens. À un extrême, les gardiens doivent attendre jusqu’à 23,4 ans pour disputer leur premier match dans le big-5. À l’autre extrême, les attaquants débutent en moyenne à 21,2 ans à peine. Les défenseurs sont les joueurs de champ qui reçoivent leur première chance le plus tard : 22,0 ans.

Figure 2 : âge au premier match dans le big-5, par poste

Joueurs du big-5, mars 2020

Figure 2 : âge au premier match dans le big-5, par poste

3. Filières d'accès

Une deuxième analyse d’un grand intérêt consiste à identifier le dernier club où les joueurs ont évolué avant de faire leurs débuts dans un des cinq grands championnats européens. À ce propos, nous avons distingué trois catégories : les joueurs issus des équipes réserve ou de jeunes du club du début [formation], ceux recrutés depuis d’autres clubs [recrutement] et ceux ayant atteint le big-5 suite à la promotion de leur équipe [promotion].

Globalement, presque la moitié des joueurs ont rejoint le big-5 suite au recrutement effectué par un club de ces championnats depuis une équipe n’en faisant pas partie. Cette proportion varie entre 63% pour les joueurs ayant débuté en Serie A italienne et 38% pour ceux ayant effectué leur premier match dans le big-5 en Ligue 1 française ou dans la Liga espagnole.

Figure 3 : filières d’accès au big-5, par type

Joueurs du big-5, mars 2020

Figure 3 : filières d’accès au big-5, par type

Ces différences reflètent en négatif celles observées au niveau de la part de joueurs issus des filières de formation des clubs concernés. Là où l’importance du recrutement est grande, celle de la formation l’est moins. Ainsi, la moitié des joueurs ayant débuté en Liga sont directement issus des filières de formation. Cette proportion est aussi élevée en Ligue 1 (47,6%), relativement grande en Bundesliga (41,0%), tandis qu’elle est faible en Premier League (29,1%) et en Serie A (24,9%).

D’importantes différences selon la ligue de début dans le big-5 existent aussi du point de vue de la part de joueurs engagés en dehors des frontières nationales parmi ceux ayant fait l’objet d’un recrutement. À un extrême, presque trois quart des joueurs ayant débuté en Bundesliga allemande ont été recrutés depuis des clubs étrangers, contre 62,6% à l’échelle du big-5. La proportion faible mesurée en Premier League (51,2%) s’explique en premier lieu par le nombre important de joueurs ayant débuté dans cette compétition après une période de prêt dans une division inférieure du pays.

Figure 4 : géographie du recrutement

Joueurs du big-5, mars 2020

Figure 4 : géographie du recrutement

4. Clubs tremplin

Les principales équipes où les clubs du big-5 ont recruté les joueurs présents dans leurs effectifs en mars 2020 sont des habitués des Coupes d’Europe. Avec 22 joueurs y ayant disputé leur dernier match avant de débuter dans le big-5, Ajax est en tête de liste. Benfica et RB Salzbourg complètent le podium. Les équipes B de Real Madrid et Barcelone constituent aussi un excellent tremplin vers le big-5, surtout en direction d’autres clubs de Liga.

Figure 5 : principaux clubs de recrutement pour les équipes du big-5

Joueurs du big-5, mars 2020

Figure 5 : principaux clubs de recrutement pour les équipes du big-5

Les principaux clubs de recrutement varient beaucoup selon la ligue de début dans le big-5. Les équipes allemandes sont particulièrement enclines à piocher dans les grands clubs des pays voisins : RB Salzbourg et le FC Bâle en particulier. Le recrutement des clubs de Ligue 1 est par contre plutôt orienté vers des équipes nationales de divisions inférieures : Tours, Le Havre et Clermont Foot en premiers.

Figure 6 : principaux clubs de recrutement par ligue de début

Joueurs du big-5, mars 2020

Figure 6 : principaux clubs de recrutement par ligue de début

5. Pays tremplin

L’analyse des pays où les joueurs ont disputé leur dernier match avant de débuter dans le big-5 montre que la moitié des recrutements sont réalisés depuis les divisions inférieures anglaises, italiennes, espagnoles et françaises (y compris les retours de prêt pour les joueurs n’ayant pas préalablement évolué dans le big-5), ainsi que le Pays-Bas et le Portugal. Les deux seuls pays extra-européens dans le top 10 sont le Brésil et l’Argentine.

Figure 7 : principaux pays de recrutement des clubs du big-5

Joueurs du big-5, mars 2020

Figure 7 : principaux pays de recrutement des clubs du big-5

L’analyse par ligue de début confirme que les aires de recrutement international varient passablement selon le championnat. Les principaux pays où les joueurs ont disputé leur dernier match avant de débuter dans le big-5 sont l’Autriche en ce qui concerne les footballeurs ayant débuté en Bundesliga, le Portugal pour la Ligue 1 et la Liga, les Pays-Bas pour la Premier League et l’Argentine pour la Serie A.

Figure 8 : principaux pays de recrutement, par ligue de début

Joueurs du big-5, mars 2020

Figure 8 : principaux pays de recrutement, par ligue de début

6. Conclusion

Le 54ème Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES montre que la très grande partie des joueurs du big-5 accèdent à ces championnats depuis un des pays concernés, soit à partir des équipes réserve ou de jeunes de l’équipe de début (39,3% des joueurs), soit par un recrutement depuis un club d’une division inférieure du pays (17,8%) ou par la promotion de leur équipe d’appartenance (13,2%).

Ainsi, seulement environ trois joueurs sur dix accèdent à l’un des cinq ligues majeures depuis un club étranger. Les principaux pays tremplin sont les Pays-Bas (75 joueurs présents dans le big-5 en mars 2020 y ont disputé leur dernier match avant de débuter dans un des grands championnats), le Portugal (74) et la Belgique (71). Le Brésil (60) et l’Argentine (45) sont les deux seuls pays extra-européens où les clubs du big-5 recrutent un nombre important de joueurs.

L’analyse montre qu’en dépit de l’internationalisation et mondialisation du marché de travail des footballeurs, l’accès au big-5 continue à se faire depuis un nombre relativement restreint de ligues et de pays. Si 83 origines nationales étaient représentées dans le big-5 au mois de mars 2020, le nombre de pays d’où ces joueurs avaient été recrutés n’était que de 56.

Cette statistique reflète la canalisation des flux migratoires vers des championnats dont le niveau sportif, bien que plus faible que dans le big-5, est suffisamment élevé pour permettre aux joueurs de développer leur potentiel et se rendre intéressants pour des clubs des grandes ligues européennes. Ces championnats jouent alors un rôle de tremplin pour la carrière des footballeurs les plus talentueux qui y transitent.