1. Introduction

Le 59ème Rapport Mensuel présente les résultats du recensement annuel sur les joueurs présents dans les clubs de 31 premières divisions masculines européennes. Ce recensement est effectué par le groupe de recherche de l’Observatoire du football CIES depuis 2009. Pour 2020, l’échantillon se compose de 12’088 footballeurs répartis dans 479 équipes (25,2 joueurs par club).

Les joueurs pris en compte faisaient partie de l’effectif de la première équipe des clubs analysés au 1er octobre de l’année de référence (ou le 20 octobre pour 2020). Ils devaient aussi avoir joué en championnat lors de la saison en cours ou, le cas échant, avoir disputé des rencontres dans des ligues adultes lors de chacune des deux saisons précédentes (équipes B non comprises). Les deuxièmes et troisièmes gardiens ont été inclus dans tous les cas.

Figure 1 : échantillon de l’étude (2020)

Le portrait-robot du joueur dans les 31 championnats analysés est un homme de 26 ans, d’une taille de 182,2 cm, présent dans la première équipe du club d’emploi depuis environ deux ans et quatre mois et ayant dans plus de la moitié des cas déjà migré à l’étranger dans le cadre de sa carrière footballistique.

2. Plus de jeunes et de débutants

Un des principaux changements constatés en 2020 suite à la pandémie est l’augmentation de la part des très jeunes joueurs dans les effectifs des équipes. Entre 2009 et 2019, les footballeurs n’ayant pas encore fêté leurs 19 ans à la date du recensement ont en moyenne représenté 3,2% de l’ensemble des joueurs. Au 20 octobre 2020, ce pourcentage a atteint un niveau record de 4,0%.

Figure 2 : évolution du % de joueurs de moins de 19 ans

La part de joueurs ayant débuté dans une ligue professionnelle lors de l’année de référence n’a également jamais été aussi élevée qu’en 2020 : 5,4% contre en moyenne 4,1% entre 2009 et 2019. Dans un contexte où les matchs se sont enchaînés à un rythme très soutenu, avec les plus souvent cinq substitutions possibles, les entraîneurs ont donné leur chance à plus de débutants.

Figure 3 : évolution du % de joueurs débutants

L’augmentation de joueurs débutants a été particulièrement marquée dans les championnats les moins compétitifs. Au 20 octobre 2020, seulement 2,8% des joueurs des équipes des cinq grands championnats (big-5) avaient fait leurs débuts en cours de saison (+0,2% par rapport à la moyenne mesurée entre 2009 et 2019). Entre les mêmes périodes, la part des débutants dans les 11 ligues les moins performantes est passée de 5,1% à 7,0% (+1,9%).

Figure 4 : % de débutants par niveau de ligue

La Bundesliga allemande est le seul championnat du big-5 où l’âge moyen des joueurs a diminué après la pandémie. Au contraire, un rajeunissement a été constaté dans 17 des 26 autres ligues analysées. Ce résultat confirme que la COVID-19 a renforcé les écarts d’expérience entre clubs de différents niveaux. Plus de cinq ans séparent la ligue la plus jeune (Slovaquie) de la plus âgée (Turquie).

Figure 5 : âge moyen des joueurs, par ligue (2020)

3. Plus de joueurs formés au club dans les ligues inférieures

Confrontées à des difficultés financières encore plus fortes que par le passé, les équipes ont fait davantage appel à des joueurs issus de leurs filières de formation. Après avoir constamment baissé de 2009 à 2018, le pourcentage de joueurs ayant évolué au moins trois saisons entre 15 et 21 ans dans leur club d’emploi a augmenté pour la deuxième année consécutive. Il reste cependant à un niveau bien inférieur (17,8%) à la moyenne enregistrée lors de la décennie précédente (20,4%).

Figure 6 : évolution du % de joueurs formés au club

Dans ce cas aussi, l’augmentation observée entre 2019 et 2020 se décline très différemment selon le niveau sportif des championnats. Au sein des trois meilleures catégories de ligues, le pourcentage de footballeurs formés au club a plutôt légèrement diminué après la pandémie. À l’opposé, la part de ces joueurs a passablement augmenté au sein du groupe de compétitions les moins performantes (+2,3%).

Figure 7 : % de joueurs formés au club par niveau de ligue

Au 20 octobre 2020, les footballeurs formés au club représentaient plus d’un quart des effectifs dans les plus hauts niveaux de compétition de sept pays : Israël, Slovénie, Suisse, République Tchèque, Norvège, Slovaquie et Finlande. Aucun de ces championnats ne figure dans les deux meilleures catégories de ligues retenues, et seulement deux ne font pas partie du groupe de championnats les moins compétitifs.

Figure 8 : % de joueurs formés au club, par ligue (2020)

4. Moins de nouvelles recrues

En octobre 2019, 43,2% des joueurs recensés avaient été recrutés en cours d’année (les joueurs débutants ne sont pas considérés comme des nouvelles recrues). Ce pourcentage avait atteint un niveau record en 2017 (45,0%), pour ensuite diminuer. La pandémie a donc renforcé la tendance à la baisse observée depuis 2017. Au 20 octobre 2020, la part de nouvelles recrues au sein des effectifs était descendue à 40,7%.

Figure 9 : évolution du % de nouvelles recrues

Une stabilisation des effectifs a été observée dans toutes les catégories de ligues. Confrontées aux pertes provoquées par la pandémie, les équipes ont conservé une plus grande partie de leurs joueurs par rapport à ce qu’elles avaient l’habitude de faire auparavant. La permanence moyenne des footballeurs dans l’équipe première du club d’emploi a ainsi légèrement augmenté pour dépasser les deux ans et trois mois.

Figure 10 : % de nouvelles recrues par niveau de ligue

En octobre 2020, le pourcentage de joueurs recrutés depuis le début de l’année variait entre 28,3% en Premier League anglaise à plus de 50% au sein des premières divisions serbe, cypriote et turque. La Serie A italienne est le seul championnat du big-5 où les effectifs se composent de plus d’un tiers de nouvelles recrues (41,4%).

Figure 11 : % de nouvelles recrues, par ligue (2020)

5. Une baisse des expatriés

Entre 2009 et 2019, la proportion de joueurs ayant grandi dans une autre association que celle du club d’emploi n’a cessé de croître. La tendance s’est renversée après la pandémie. En octobre 2019, les expatriés représentaient 41,9% des effectifs, contre 41,2% une année plus tard. La valeur de 2020 reste néanmoins bien supérieure à la moyenne observée lors de la décennie précédente : 37,8%.

Figure 12 : évolution du % de joueurs expatriés

La part de joueurs expatriés a le plus diminué au sein de la catégorie de ligues les moins compétitives : -2,5%. Durement frappées par la crise, les équipes de ces championnats ont réduit leur recrutement international au profit de jeunes footballeurs déjà présents sur place. Ce processus a été beaucoup moins marqué au sein des meilleures ligues, où le pourcentage d’expatriés a même légèrement augmenté.

Figure 13 : % d’expatriés par niveau de ligue

Les expatriés sont majoritaires dans neuf championnats. Des valeurs particulièrement fortes ont été enregistrées dans les premières divisions cypriote (67,8%), turque (65,3%) et portugaise (63,7%). À l’opposé, les plus faibles proportions de joueurs n’ayant pas grandi dans l’association de leur club ont été mesurées en Serbie (14,8%), Ukraine (20,6%) et Israël (21,1%).

Figure 14 : % d’expatriés, par ligue (2020)

6. Conclusion

Cette étude révèle que la pandémie a eu l’effet de renforcer les écarts dans le profil des joueurs selon le niveau sportif et économique des clubs. Si la part de footballeurs débutants au sein des effectifs a augmenté à tous les échelons (+1,3% par rapport à la décennie précédente), l’accroissement a été particulièrement marqué au sein des ligues les moins compétitives (+1,9%).

Après avoir progressivement baissé entre 2009 et 2018, la part des joueurs formés au club a augmenté pour la deuxième année consécutive (17,8%). Cet accroissement est exclusivement lié au plus grand recours à des footballeurs issus des filières de formation de la part des clubs des ligues les moins performantes (+2,3%). En effet, au sein des trois meilleurs groupes de championnat, la part de footballeurs formés aux clubs a plutôt diminué (entre -0,2% et -0,7%).

Un ralentissement de la mobilité des joueurs a été également observé après la pandémie. La stabilisation des effectifs a concerné toutes les catégories de ligues. En 2020, la part de footballeurs recrutés en cours d’année au sein des effectifs a reculé de 2,5% par rapport à l’année précédente pour revenir à un niveau jamais enregistré depuis 2012 (40,7%).

La COVID-19 a renversé la tendance aussi en matière de mobilité internationale des joueurs. Alors que la part d’expatriés n’avait cessé de s’accroître entre 2009 et 2019, elle a légèrement diminué après la pandémie (41,2%, -0,6%). Ici également, la baisse la plus forte a concerné les plus petits championnats (-2,4%), alors qu’une légère hausse a été observée au sein des meilleures ligues (+0,2%).

Ces résultats montrent que la pandémie a exacerbé les inégalités entre clubs à travers l’Europe. Les petites équipes ont dû revoir leurs ambitions encore plus à la baisse que les plus grandes. Pour beaucoup d’entre elles, l’avenir proche s’apparente plus que jamais à une lutte pour la survie. Dans ce contexte extrêmement tendu, les clubs ayant bâti des filières de formation solides s’en sortiront mieux que les autres que ce soit sur le plan sportif ou financier.