1. Introduction

Depuis sa création en 2005, l’Observatoire du football CIES s’est progressivement imposé en tant que référence dans l’analyse du football professionnel. Toujours soucieuse d’innover, pour sa quinzième année d’existence, son équipe de recherche a décidé d’utiliser sa notoriété grandissante pour donner la voix aux passionnés du jeu, en les invitant à s’exprimer sur différentes problématiques concernant le football professionnel.

Ce Rapport Mensuel présente les principaux résultats d’une enquête par questionnaire réalisée entre décembre 2020 et janvier 2021. A l’exception des questions relatives au profil des répondants, le questionnaire est construit autour de 36 affirmations à propos desquelles les personnes interrogées devaient se positionner sur une échelle comportant quatre gradations (non, plutôt non, plutôt oui, oui).

Au total, neuf thématiques ont été passées en revue. Pour chacune d’entre elles, quatre affirmations ont été formulées : faits de jeu (réclamations, fautes, simulations, pertes de temps), calendrier (nombre de matchs selon les compétitions), spectacle (nombre de buts, fatigue des joueurs, arbitrage, VAR), accès au spectacle (billets d’entrée, abonnements TV, VIP, horaires), revenus (clubs, joueurs, agents, dirigeants), inégalités (équilibre des compétitions), dérives (racisme, homophobie, matchs truqués, dopage), genre (sexisme, football féminin, place des femmes) et transferts (composition des équipes, prix).

Ce rapport analyse le pourcentage de répondants ayant exprimé leur accord par rapport aux différentes affirmations (réponses « plutôt oui » et « oui »). Une analyse plus approfondie selon le profil des personnes interrogées n’est pas conduite ici. Cependant, la version en ligne du rapport offre la possibilité de décliner les réponses en fonction de l’âge (moins de 40 ans vs plus de 40 ans) ou de l’origine (Europe, hors Europe) des participants.

2. Déroulement de l'enquête

L’enquête a été réalisée en ligne sur un échantillon libre avec le logiciel qualtrics. Le questionnaire a été rédigé en français et en anglais. Il a été mis en ligne le 08/12/2020 et était accessible pendant environ un mois, jusqu’au 10/01/2021. Le lien vers le questionnaire a été diffusé en premier lieu par mail auprès des abonnés à la newsletter de l’Observatoire. Un premier envoi a été effectué le 09/12/2020, suivi d’une relance le 28/12/2020. Le questionnaire a également été relayé par le biais des comptes de l’Observatoire sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook et Instagram). En outre, il était accessible directement depuis le site football-observatory.com.

Parmi l’ensemble des questionnaires validés, nous avons retenu ceux pour lesquels des réponses ont été saisies pour au moins 4/5 des questions (le fait de ne pas répondre -après un message d’avertissement- était possible) et pour lesquels le genre avait été renseigné. Une analyse sur la base de l’adresse ip et des réponses relatives au profil a aussi permis d’écarter les questionnaires ayant très probablement été complétés plusieurs fois par une même personne. Dans ce cas de figure, seul le dernier questionnaire saisi a été pris en compte.

Au final, l’échantillon se compose de 2’061 individus, dont 1’046 ayant répondu à la version anglaise du questionnaire et 1’015 à la version française. Les personnes ayant participé à l’enquête sont très majoritairement des hommes (95%), ont une moyenne d’âge de 40,7 ans et revendiquent pour la plupart (9/10) un grand intérêt pour le football. Les personnes ayant grandi en France sont surreprésentées dans l’échantillon : 33,9% des répondants (747 individus).

Figure 1: caractéristiques de l’échantillon

Figure 2: domaines de jeu pour l’analyse technique des performances

3. Faits de jeu

Le premier groupe d’affirmations par rapport auxquelles les participants ont dû se positionner concerne des faits ayant directement trait à ce qui se passe sur la pelouse. Une minorité de répondants estime que le nombre de fautes commises par les joueurs est trop important. Par contre, presque trois quarts d’entre eux considèrent qu’il y a trop de simulations. De plus, presque quatre cinquièmes sont d’avis que les arbitres font l’objet de trop de réclamations de la part des joueurs et que ces derniers ont trop tendance à perdre du temps.

Figure 2a : perception sur les faits de jeu

Ces réponses indiquent que réclamations, simulations et pertes de temps irritent un grand nombre de passionnés du jeu. De ce point de vue, nous pouvons croire qu’une moins grande tolérance vis-à-vis de ces comportements de la part des arbitres recevrait un accueil favorable de la part des supporters. En même temps, pour prévenir ces abus, il serait opportun de mettre en place des initiatives de nature éducative ciblées sur les jeunes joueurs, tout en rendant attentifs les footballeurs professionnels sur l’impact de leurs comportements vis-à-vis de ces derniers.

Figure 2b : perception sur les faits de jeu, selon l'âge et l'origine

4. Calendrier

Depuis plusieurs années et encore plus dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, le calendrier des matchs est extrêmement serré. Aucun organisateur ne semble par ailleurs enclin à réduire le nombre de rencontres dans leurs compétitions. Presque six répondants sur dix estiment qu’il y a actuellement trop de matchs. Les réponses montrent que la surcharge des calendriers constitue bel et bien un sujet de préoccupation, d’autant plus si l’on considère que la très grande majorité des répondants sont des personnes fortement intéressées par le football.

Figure 3a : perception sur le calendrier

Plus spécifiquement, les répondants estiment que le nombre de matchs est trop important en ce qui concerne les rencontres entre sélections nationales (61,5% des personnes interrogées). Malgré la décision récente de l’UEFA de créer une nouvelle compétition -la Nations League- en remplacement de matchs amicaux, les fans considèrent toujours que le nombre de rencontres entre équipes nationales est excessif.

En ce qui concerne les matchs entre clubs, la proportion de personnes estimant que le nombre de rencontres est trop élevé est plus grand en ce qui concerne les compétitions internationales de clubs (45,4%) qu’en ce qui concerne les championnats nationaux (32,7%). D’un point de vue politique, en particulier dans le contexte européen avec la possible création supposée d’une super ligue continentale, ce résultat peut être interprété comme une prise de position de la part des passionnés du jeu en faveur des ligues nationales.

Figure 3b : perception sur le calendrier, selon l'âge et l'origine

5. Spectacle

Les répondants ont aussi dû se positionner par rapport à des affirmations ayant trait au spectacle observé sur le terrain. Une nette minorité d’entre eux pense que le nombre de buts marqués est insuffisant (35,8%). Par contre, une petite majorité estime qu’il y a trop d’erreurs d’arbitrage. En même temps, presque 60% des passionnés considèrent qu’il y a trop d’interventions de la VAR. Sur ce plan, la proportion de personnes ayant un avis tranché est particulièrement importante (32,8%), ce qui renvoie probablement à un positionnement philosophique bien diffus tendant à considérer l’arbitrage vidéo comme un instrument nuisible au spectacle du football et à ce que ce jeu représente.

Figure 4a : perception sur le spectacle

Les réponses à la question sur la fatigue excessive des joueurs indiquent l’existence d’un consensus parmi les fans de football. Presque trois quarts estiment qu’il y a trop de fatigue chez les joueurs et presqu’un tiers sont pleinement d’accord avec cette affirmation. Les supporters sont donc conscients des difficultés rencontrées par les footballeurs pour garder un bon état de forme. Cela renvoie à la nécessité de repenser le calendrier des rencontres afin de laisser aux joueurs plus de moments de repos, ce qui ne pourrait que se répercuter positivement sur le spectacle proposé.

Figure 4b : perception sur le spectacle, selon l'âge et l'origine

6. Accès au spectacle

En ce qui concerne l’accès au spectacle du football, les passionnés ont exprimé leur mécontentement surtout par rapport au prix des abonnements TV. Presque neuf fans sur dix estiment que ces derniers sont trop chers, et plus de six sur dix ont un avis tranché sur la question. Ces réponses renvoient à la segmentation accrue de l’offre qui oblige les supporters dans bien des pays à souscrire plusieurs abonnements et débourser ainsi plus d’argent pour suivre les matchs. Cette situation pose problème et constitue un défi majeur pour la popularité future du football, surtout vis-à-vis des nouvelles générations.

Figure 5a : perception sur l’accès au spectacle

La grande majorité des répondants estime également que les billets d’entrée au stade sont trop chers. Toutefois, seule une petite majorité est d’avis que le nombre de places VIP dans les enceintes est trop important. La part de passionnés considérant qu’il y a trop de matchs à des horaires inadaptés n’est aussi que légèrement supérieure à 50%. Près d’un supporter sur deux n’a donc pas d’avis globalement négatif sur la programmation des matchs malgré la tendance des organisateurs à les répartir de plus en plus pour occuper tous les créneaux horaires.

Figure 5b : perception sur l’accès au spectacle, selon l'âge et l'origine

7. Revenus

Les revenus des vedettes du sport font souvent débat. Ce constat est d’autant plus vrai dans un contexte économique très tendu comme celui que nous vivons actuellement. Les réponses récoltées auprès des passionnés du football confirment que la plupart d’entre eux considère les sommes gagnées trop importantes. Cette opinion est valable autant pour les grands joueurs (65,7%) que pour les grands clubs (68,7%). Les fans expriment par contre une perception moins critique vis-à-vis des revenus gagnés par les dirigeants (50,6%).

Figure 6a : perception sur les revenus

Le consensus le plus fort concerne les agents. Presque neuf répondants sur dix estiment qu’ils gagnent trop d’argent et presque sept sur dix sont pleinement d’accord avec cette affirmation. Il s’agit du résultat le plus net parmi toutes les affirmations proposées dans le questionnaire. Bien que le marché des agents soit fortement segmenté et que ceux gagnant beaucoup d’argent soient relativement peu nombreux, cette réponse indique que les efforts de régulation entrepris par la FIFA, avec notamment un plafonnement des commissions, rencontrent l’approbation des fans.

Figure 6b : perception sur les revenus, selon l'âge et l'origine

8. Inégalités

Au fil du temps, les compétitions de football ont évolué vers moins d’équilibre. Ce constat est particulièrement vrai pour les compétitions de clubs. La grande majorité des passionnés ayant participé à l’enquête expriment une préoccupation par rapport à cette situation. Presque quatre cinquièmes estiment qu’il n’y a pas assez de diversité dans les équipes remportant des trophées et une proportion équivalente de personnes pensent que les championnats nationaux ne sont pas équilibrés.

Figure 7a : perception sur les inégalités

Les fans ont une perception moins négative en ce qui concerne les coupes internationales de clubs, même si 63,5% des répondants estiment dans ce cas aussi que l’équilibre n’est pas suffisant. Ces réponses montrent que les inégalités sportives entre équipes, renvoyant aux écarts économiques qui ne se cessent de se creuser, doivent être réduites pour éviter une désaffection des fans. De ce point de vue, les compétitions entre sélections nationales sont relativement à l’abri, 63,4% des passionnés interrogés les trouvant suffisamment équilibrées.

Figure 7b : perception sur les inégalités, selon l'âge et l'origine

9. Dérives

Le football est souvent perçu comme un domaine comportant de nombreuses dérives, que ce soit pour des problématiques ayant trait à l’activité sportive en tant que telle (dopage, matchs truqués) ou pour des phénomènes bien répandus dans la société trouvant une expression particulière dans la pratique (racisme, homophobie). Les personnes interrogées estiment que ces derniers problèmes sont bien plus répandus que les premiers.

Figure 8a : perception sur les dérives

Presque sept répondants sur dix considèrent que le racisme est trop présent dans le monde du football et 37,6% ont un avis tranché à ce sujet. Ces proportions sont aussi relativement élevées en ce qui concerne la problématique de l’homophobie : un peu plus de six interrogés sur dix et 31,2%. Par contre, une minorité des passionnés ayant pris part à l’enquête estime que le dopage est trop présent dans le football professionnel (33,0%) et que le nombre de rencontres truquées est trop élevé (30,3%).

Figure 8b : perception sur les dérives, selon l'âge et l'origine

10. Genre

Les questions de genre sont de plus en plus débattues au sein de la société et le football ne fait pas exception à cet égard. D’une manière générale, les enquêtés considèrent que les femmes n’occupent pas encore une place assez favorable dans le milieu du football. Six personnes sur dix sont d’avis qu’il y a trop de sexisme, presque deux tiers considèrent que les joueuses devraient gagner plus d’argent et presque sept sur dix que les matchs féminins devraient être plus diffusés. Ces résultats suggèrent que les fans sont prêts à accompagner avec enthousiasme le développement du football féminin.

Figure 9a : perception sur le genre

Les réponses à une quatrième question relative à la problématique du genre montrent l’existence d’un véritable consensus parmi les passionnés du jeu : il devrait y avoir plus de femmes à des postes de pouvoir dans le football. À l’image de Fatma Samoura, secrétaire générale de la FIFA, les fans sont d’avis que plus de femmes devraient recevoir une chance au plus haut niveau des sphères dirigeantes. De ce point de vue aussi, ils affichent un progressisme qui dépasse probablement celui des institutions concernées.

Figure 9b : perception sur le genre, selon l'âge et l'origine

11. Transferts

Une dernière problématique pour laquelle nous avons tenu à récolter l’opinion des passionnés est celle des transferts. Les réponses obtenues indiquent l’existence d’un grand malaise à cet égard. Presque neuf répondants sur dix estiment en effet que le niveau de transparence autour des transferts est insuffisant. Ce plébiscite devrait encourager les organes dirigeants du football aux échelons national et international à agir de manière encore plus ferme pour diminuer l’opacité entourant les transactions de joueurs.

Figure 10a : perception sur les transferts

Une très grande majorité des interrogés considère également que les prix des transferts sont trop chers (84,9%) et que la présence de joueurs locaux dans les équipes n’est pas suffisante (79,6%). Ils plaident en ce sens pour que les clubs donnent plus de chance à des joueurs issus de leurs propres filières de formation au détriment de footballeurs recrutés depuis d’autres clubs. À ce propos, deux tiers des répondants pensent qu’il y a trop de transferts de joueurs.

Figure 10b : perception sur les transferts, selon l'âge et l'origine

12. Conclusion

La première enquête par questionnaire de l’Observatoire de football CIES visant à saisir l’opinion des passionnés sur le football professionnel a reçu un accueil très favorable. Au total, les réponses de 2’061 individus ont pu être validées. Diffusé prioritairement auprès des abonnés à notre newsletter, le questionnaire a été rempli par des personnes originaires de 130 pays à travers le monde. La majorité des réponses a été néanmoins fournie par des fans européens (81,1% du total), où notre groupe de recherche jouit de la plus grande popularité.

Un consensus important a été observé pour plusieurs des aspects analysés. L’opinion la plus partagée dans l’absolu concerne les agents : 88,6% des personnes interrogées estiment qu’ils gagnent trop d’argent. Dans les faits, un nombre relativement restreint d’entre eux encaisse des revenus très élevés, mais l’opinion générale est très claire à ce sujet. De ce point de vue, même s’il est fortement combattu par certains agents dominants, le plafonnement des commissions décidé par la FIFA se justifie pleinement aux yeux des fans.

Le deuxième avis le plus clairement exprimé par les personnes interrogées concerne le manque de transparence autour des transferts. L’affirmation selon laquelle le niveau de transparence est insuffisant a récolté 88,3% d’opinions favorables. Les répondants verraient donc d’un bon œil toute initiative visant à rendre les opérations de transfert moins opaque. L’obligation de communiquer les détails financiers des transactions des joueurs -à l’instar de ce que font déjà les clubs côtés en bourse- pourrait être une action allant dans ce sens.

L’écrasante majorité des fans est aussi d’avis que les coûts pour assister aux rencontres, que ce soit au stade ou par télévision interposée, sont trop élevés. Presque quatre passionnés sur cinq estiment également qu’il n’y pas assez de diversité dans les équipes qui gagnent des trophées et que les championnats nationaux ne sont pas assez équilibrés. La même proportion de personnes considère qu’il y trop de réclamations contre l’arbitre et de pertes de temps lors des rencontres. Les fans sont en outre très favorables au développement du football féminin et préconisent une augmentation du nombre de femmes à des postes de pouvoir.

Pour terminer avec une note positive, presque sept participants à l’enquête sur dix pensent qu’il n’y a pas trop de matchs truqués, ni trop de dopage dans le football professionnel. Sur ces deux aspects, la confiance des fans pour le beau jeu demeure. Sur bien d’autres aspects, par contre, de nombreuses réformes et actions devraient être entreprises afin de retenir l’adhésion des fans, améliorer l’image du jeu et stimuler les effets positifs du football sur la société.