1. Introduction

Soucieuse d’englober de plus en plus de pays dans ses études, l’équipe de recherche de l’Observatoire du football propose cette deuxième analyse sur le profil démographique des joueurs et des équipes de quatre championnats d’Amérique latine : les premières divisions brésilienne, argentine, mexicaine et chilienne. L’étude porte sur 2’260 footballeurs ayant disputé des minutes de championnat lors du deuxième semestre de l’année 2020 au sein d’un des 80 clubs des ligues couvertes.

Dans le contexte de la pandémie, avec un calendrier de rencontres très serré et les inévitables absences pour cause de maladie, les équipes de l’ensemble des ligues étudiées ont utilisé plus de joueurs que lors de la même période de l’année précédente : en moyenne 28,6 par club contre 25,6 (+12%). Par championnat, les valeurs varient entre 25,8 joueurs alignés par club dans la Liga mexicaine et 35,5 en Serie A brésilienne.

Figure 1 : nombre moyen de joueurs utilisés par club

La valeur la plus élevée à l’échelle d’un club a été enregistrée pour Goiás EC. Les Brésiliens ont réussi l’exploit d’aligner un nombre record de 48 joueurs dans les matchs de championnat disputés pendant le semestre analysé, sept de plus que la deuxième équipe en ayant utilisé le plus : Coritiba FC. À l’opposé, on trouve le CA Colón avec 20 footballeurs. En Argentine, cependant, le championnat n’a repris qu’en novembre et le CA Colón, n’a disputé que neuf matchs jusqu’à la fin de l’année.

Figure 2 : nombre de joueurs utilisés, deuxième semestre 2020

2. Âge

La pandémie a entraîné l'emploi accru de jeunes footballeurs. En effet, l’âge moyen a diminué dans trois des quatre ligues étudiées et est restée au même niveau au sein de la quatrième, la première division chilienne. Comme l’année précédente, les clubs argentins ont aligné les plus jeunes footballeurs (27,0 ans en moyenne, -0,5 ans par rapport à 2019), suivis par les Brésiliens (27,3 ans, -0,7) et les Mexicains (27,7 ans, -0,4).

Figure 3 : âge moyen des joueurs sur le terrain

Cinq des six équipes ayant utilisé les plus jeunes footballeurs sont Argentins, tandis que la sixième est Chilienne (CD Huachipato). La valeur la plus faible dans l’absolu a été mesurée pour CA Lanús (24,4 ans), une valeur de 0,6 ans inférieure à celle du deuxième club le plus jeune, CD Godoy Cruz. À l’autre extrême, les Mexicains du CF Tigres de la UANL sont les seuls dont l’âge moyen des joueurs utilisés atteint les 30 ans. Les Chiliens d’Universidad Católica et d’Universidad de Chile ont aussi fait confiance à des footballeurs expérimentés.

Figure 4 : âge moyen sur le terrain, deuxième semestre 2020

Aucun joueur né dans les années 2000 n’a disputé une aussi forte proportion de minutes lors du semestre analysé que le milieu-de-terrain du CA Aldosivi Joaquín Indacoechea (92,5%). L’Argentin devance le compatriote de Rosario Central Rodrigo Villagra et le Chilien de Unión Española, Carlos Palacios. Deux joueurs nés en 2002 figurent aux dix premières places : le défenseur central mexicain Victor Guzmán (Club Tijuana) et le milieu défensif argentin David Ayala (Club Estudiantes).

Figure 5 : U21 ayant disputé le plus grand % de minutes, deuxième semestre 2020

3. Expatriés

La pandémie a aussi provoqué des changements au niveau de la part des expatriés présents dans les équipes. Les expatriés sont les joueurs ayant grandi en dehors du pays de leur club d’emploi. La proportion de cette catégorie de footballeurs a diminué dans l’ensemble des championnats étudiés. Les différences entre ligues restent marquées, avec des valeurs qui varient entre 46,0% en première division mexicaine (-5,6%) et à peine 9,2% en Serie A brésilienne (-1,1%).

Figure 6 : % de minutes disputées par les expatriés

Neuf des dix clubs où les expatriés ont disputé le plus grand pourcentage de minutes de championnat sont mexicains, avec un maximum de 65,4% à Atlas Guadalajara. Les plus fortes proportions dans les autres ligues étudiées ont été mesurées pour Universidad de Concepción (46,6%), Gimnasia y Esgrima (26,2%) et CA Mineiro (21,2%). A l’opposé, quatre équipes n’ont aligné aucun footballeur expatrié : CA Tucumán, Atlético Goianiense, Ceará SC et CD Guadalajara.

Figure 7 : % de minutes disputées par les expatriés, deuxième semestre 2020

Huit expatriés ont disputé la totalité des minutes de championnat entre juillet et décembre 2020. Parmi eux, on trouve notamment le meilleur buteur du championnat mexicain, le Français André-Pierre Gignac, et trois Paraguayens : Víctor Ayala (Gimnasia y Esgrima), Víctoir Velázquez (FC Juárez) et Julio González (Club Nexaca). Le plus jeune joueur dans le top 10 est l’Espagnol Unai Bilbao, qui évolue au Mexique depuis 2018.

Figure 8 : expatriés ayant disputé le plus grand % de minutes, deuxième semestre 2020

4. Origines

Sur le plan des origines, dans tous les championnats analysés, la plupart des footballeurs expa­triés proviennent d'autres pays d'Amérique du Sud.

Pour la première division argentine, le trio de tête des origines expatriées les plus présentes se compose des Uruguayens (26 footballeurs), des Colombiens (19) et des Paraguayens (14). Ces trois origines représentent quatre cinquièmes du total des expatriés.

Figure 9 : origines expatriées en Liga Profesional (ARG)

Sur les 79 expatriés ayant joué lors du deuxième semestre de l’année 2020 en Serie A brésilienne, 75 étaient originaires d’autres pays d’Amérique latine. Avec 22 représentants, les Argentins étaient les plus nombreux, suivis par les Colombiens (17) et les Uruguayens (10). Les ressortissants de ces trois pays constituaient les deux tiers du contingent de footballeurs expatriés actifs en première division des quintuples champions du monde.

Figure 10 : origines expatriées en Serie A (BRA)

La présence expatriée dans les clubs de première division chilienne est nettement plus importante qu’au Brésil et qu’en Argentine. Cette situation s’explique par la forte présence de footballeurs argentins. En effet, avec 75 représentants, l’Argentine était l’origine la plus représentée lors du second semestre de l’année 2020 (58,5% de l’ensemble des expatriés), loin devant l’Uruguay (18 joueurs) et le Venezuela (14).

Figure 11 : origines des expatriés Primera División (CHI)

Comme au Chili, les Argentins constituent la main d’œuvre étrangère la plus utilisée par les clubs de première division mexicaine. Par rapport au Chili, cependant, les origines des expatriés au Mexique sont plus diversifiées. En effet, les 44 joueurs argentins ayant disputé des minutes de championnat lors du deuxième semestre de l’année 2020 ne représentaient que le quart du total des expatriés. D’autres origines étaient aussi très présentes, notamment les Uruguayens (29 joueurs) et les Colombiens (25).

Figure 12 : origines des expatriés en Liga MX (MEX)

5. Formés au club

À la suite de la pandémie de la COVID-19, la part de joueurs formés au club – ceux ayant disputé au moins trois saisons entre 15 et 21 ans dans le club d’emploi – a augmenté dans l’ensemble des ligues analysées. L’accroissement le plus spectaculaire a été enregistré en première division argentine, où la part des formés au club était déjà la plus élevée. Dans un contexte financièrement très délicat, les équipes argentines ont plus que jamais misé sur les joueurs issus de leurs filières de formation.

Figure 13 : % de minutes disputées par les joueurs formés au club

Les footballers formés au club ont disputé plus de 50% des minutes de championnat dans trois équipes argentines. Cette proportion atteint même les trois quarts au CA Banfield. Les valeurs record pour les trois autres ligues étudiées ont été mesurées pour CD Santiago Wanderers (43,6%) au Chili, Vasco da Gama (37,5%) au Brésil et CD Guadalajara (31,5%) au Mexique. Seulement trois équipes n’ont aligné aucun footballeur formé au club : Querétaro FC, RB Bragantino et Mazatlán FC.

Figure 14 : % de minutes disputées par les joueurs formés au club, deuxième semestre 2020

Deux équipes parmi les plus prestigieuses d’Amérique latine sont en tête du classement des clubs ayant formé le plus de joueurs actifs dans les quatre ligues analysées : Boca Juniors (48 joueurs, dont 7 seulement toujours présents au club) et les récents finalistes malheureux de la Copa Libertadores, Santos FC (38 footballeurs). Universidad Católica (37) et Atlas Guadalajara (31) sont les plus grands formateurs parmi les équipes chiliennes et mexicaines.

Figure 15 : principaux clubs formateurs des joueurs des quatre ligues, deuxième semestre 2020

6. Nouvelles recrues

À l’instar de l’Europe, la pandémie a provoqué un ralentissement du marché des transferts aussi en Amérique latine. La part de joueurs recrutés en 2020 parmi ceux alignés par les équipes analysées lors du deuxième semestre de l’année a globalement diminué : -4,5% par rapport à l’année précédente. La plus forte baisse a été enregistrée en Argentine (-9,4%). À l’opposé, la part de nouvelles recrues dans les équipes mexicaines a même augmenté (+1.5%).

Figure 16 : % de joueurs recrutés en cours d’année

Les clubs analysés se différencient fortement sur le plan de la stabilité de leurs effectifs. À un extrême, 25 des 28 joueurs utilisés lors du deuxième semestre de l’année 2020 par les Mexicains de Querétaro FC avaient été recrutés après le 1er janvier de l’année en question (89,3%). À l’autre extrême, avec une seule nouvelle recrue sur les 26 joueurs alignés, les Argentins de River Plate avaient l’effectif le plus stable parmi les 80 clubs étudiés.

Figure 17 : % de joueurs recrutés en cours d'année, effectifs du deuxième semestre 2020

Treize joueurs recrutés en 2020 ont disputé la totalité des minutes de championnat lors du deuxième semestre de l’année. Les plus jeunes d’entre eux sont nés en 1997 : le latéral du CA Banfield, revenu d’un prêt à Brown de Adrogué, Emanuel Coronel, ainsi que le gardien Facundo Cambeses, prêté par CA Banfield au CA Huracán. Un autre gardien, le Chilien Johnny Herrera, a parfaitement réussi son passage d’Universidad de Chili au CD Everton.

Figure 18 : nouvelles recrues ayant disputé le plus grand % de minutes, deuxième semestre 2020

7. Conclusion

La deuxième étude de l’Observatoire du football CIES sur quatre premières divisions latino-américaines montre plusieurs effets de la pandémie de la COVID-19 sur le profil des équipes et des joueurs. Le nombre de footballeurs utilisés a augmenté, tandis que l’âge moyen des joueurs a baissé. La part des expatriés a aussi diminué, à l’inverse de celle des footballeurs formés par leur club d’emploi.

Les changements les plus importants ont été enregistrés au niveau de la première division argentine, avec notamment une augmentation de 11,6% dans le pourcentage de joueurs formés au club, qui est passé de 22,5% à 34,1%. À titre de comparaison, ce pourcentage est de 18,8% au Chili (+1,1%), de 18,5% au Brésil (+3,8%) et de 13,5% au Mexique (+0,2%). Les clubs de ce dernier pays sont les seuls ayant engagé plus de nouvelles recrues en 2020 par rapport à l’année précédente.

L’étude révèle également que Boca Juniors est de loin l’équipe ayant formé le plus grand nombre de footballeurs présents dans les quatre ligues étudiées : 48, dont seulement sept toujours présents au sein du club de Buenos Aires. Avec 38 joueurs issus de leurs équipes de jeunes, Santos FC et CA Lanús sont les deuxièmes plus grands clubs formateurs, juste devant les Chiliens d’Universidad Católica et les Argentins de River Plate (37 joueurs formés dans les deux cas).