1. Introduction

Ce rapport analyse différents indicateurs en lien avec la fluidité des rencontres disputées depuis le 1er juillet 2019 dans un total de 37 compétitions européennes : 30 premières divisions d’associations membres de l’UEFA, les cinq deuxièmes divisions des pays qui accueillent les championnats du big-5, ainsi que la Ligue des champions et la Ligue Europa. Les données utilisées proviennent de la société InStat.

L’étude porte dans un premier temps sur le temps effectif de jeu (le temps durant lequel la balle est en jeu) mesuré dans les 37 compétitions prises en compte, pour ensuite analyser plus en profondeur les raisons sous-jacentes aux temps d’arrêt, à savoir les pauses occasionnées par le fait que la balle soit sortie du terrain, ou celles conséquentes aux fautes commises par les joueurs.

Figure 1 : échantillon de l’étude

Matchs disputés entre le 01/07/2019 et le 03/03/2021

2. Temps de jeu effectif

En moyenne, le temps de jeu effectif enregistré dans les 37 compétitions analysées est de 61,3%. D’importantes différences ont été mesurées selon les championnats. La Liga espagnole est la seule compétition du big-5 qui se situe en dessous de la moyenne : 59,3%. Les valeurs les plus élevées ont été observées en Israël (66,9%), aux Pays-Bas (65,6%) et en Russie (65,4%). Les temps de jeu effectifs en Ligue des Champions (64,7%) et en Ligue Europa (62,5%) sont aussi plutôt élevés.

À l’opposé, les deuxièmes divisions des pays qui accueillent les cinq grands championnats, ainsi que les premières divisions tchèque, grecque, portugaise ou encore écossaise se caractérisent par un jeu particulièrement haché. Avec un temps de jeu effectif d’à peine 55,9%, le second niveau de compétition espagnol sort du lot en tant que championnat où les matchs sont les moins fluides dans l’absolu.

Figure 2 : % de temps de jeu effectif

Matchs disputés entre le 01/07/2019 et le 03/03/2021

En moyenne, une rencontre des compétitions analysées dure 96’21’’. C‘est en première division turque que les arbitres ajoutent le plus de temps additionnel : neuf minutes en moyenne. À l’opposé, en Slovaquie, le temps additionnel moyen ajouté par les arbitres n’est que de 4’25’’. Au niveau du big-5, les valeurs varient entre 7’26’’ en Premier League et 6’22’’ en Ligue 1. Les moyennes pour la Ligue des champions (6’12’’) et la Ligue Europa (6’00’’) sont inférieures à celles des grands championnats.

Figure 3 : durée totale des matchs

Matchs disputés entre le 01/07/2019 et le 03/03/2021

Contrairement aux attentes, il n’y a pas de corrélation entre le pourcentage de temps effectif et la durée totale des rencontres. Ce résultat montre que le niveau de fluidité du jeu n’est pas pris en compte par les arbitres lorsqu’il s’agit d’ajouter du temps additionnel. Le fait que les temps d’arrêt n’ont pas beaucoup d’influence sur le prolongement de la rencontre pourrait donc encourager les joueurs des équipes en difficulté ou ayant pris l’avantage à casser le rythme de jeu.

Figure 4 : % de temps de jeu effectif et durée totale des matchs

Matchs disputés entre le 01/07/2019 et le 03/03/2021

R2 = 0.00%

3. Balle en dehors du terrain

Une première raison faisant que le jeu s’arrête est liée au fait que la balle sort du terrain. En moyenne, au niveau des 37 compétitions analysées, cette situation représente un peu plus d’un cinquième de la durée totale des rencontres. Dans ce cas aussi, les différences entre compétitions sont assez marquées, avec des valeurs qui oscillent entre presque 25% dans le Championship anglais ou la Premiership écossaise et moins de 18% dans la Ligat ha’Al israélienne ou la Serie A italienne.

Dans le cas des sorties de balle aussi, la Liga espagnole est le seul championnat du big-5 où le pourcentage d’arrêts de jeu est supérieur à la moyenne mesurée à l’échelle européenne (20,6%). La valeur enregistrée au niveau de la Ligue des champions est par contre la quatrième la plus faible (18,3%), alors que celle observée en Ligue Europa est un peu plus élevée (20,1%).

Figure 5 : % de temps de jeu avec balle en dehors du terrain

Matchs disputés entre le 01/07/2019 et le 03/03/2021

Une corrélation statistiquement significative a été mesurée entre la part de minutes d’arrêt de jeu conséquente à la sortie de la balle du terrain et la longueur moyenne des passes réussies par les équipes des 37 compétitions analysées. Logiquement, plus ces dernières pratiquent un style de jeu court, moins la balle sortira du terrain.

Figure 6 : % de temps de jeu avec balle en dehors du terrain et longueur moyenne des passes

R2 = 56.6%

L’analyse des résidus est ici particulièrement intéressante. Elle montre que relativement à la longueur moyenne des passes, le temps perdu est particulièrement important en Angleterre, tant en Premier League qu’en Championship, et en Italie. Ce résultat renvoie à une dimension culturelle, les joueurs de ces pays ayant tendance à prendre bien leur temps avant de remettre la balle en jeu.

Une corrélation positive existe également entre la proportion d’arrêts de jeu à la suite de la sortie de la balle et le pourcentage de passes réussies par les équipes. Dans ce cas aussi, l’analyse des résidus met en exergue, d’une part, les championnats dont les joueurs sont enclins à ne pas se presser avant de remettre la balle en jeu (Angleterre, Écosse et Italie en particulier) et d’autre part, des ligues où les footballeurs ont une attitude inverse (Autriche, Russie, Israël, Biélorussie, Serbie).

Figure 7 : % de temps de jeu avec balle en dehors du terrain et % de passes réussies

R2 = 56.0%

4. Arrêts de jeu consécutifs à des fautes

Les fautes constituent la deuxième raison principale impliquant un arrêt du jeu. En moyenne, cela représente 14,8% de la durée totale des rencontres dans les 37 compétitions couvertes dans cette étude. Les différences entre championnats sont remarquables. Les valeurs varient en effet entre presqu’un cinquième en Super League grecque (19,0 %) et à peine plus d’un dixième en Eredivisie néerlandaise (11,5%).

D’une manière générale, les championnats du Nord et de l’Ouest de l’Europe font partie de ceux où le temps perdu à cause des fautes est le plus faible, tandis que les ligues du Sud et de l’Est du continent se trouvent dans une situation opposée. La Ligue des champions (13,6%) et la Ligue Europa (13,9%) se situent en dessous de la moyenne européenne, au même titre que la Premier League anglaise (12,5%) et la Bundesliga allemande (13,0%).

Figure 8 : % de temps d’arrêt de jeu consécutif à des fautes

Matchs disputés entre le 01/07/2019 et le 03/03/2021

Logiquement, le temps perdu pour des fautes et le nombre de fautes commises par match sont positivement corrélés (r2=68%). On retrouve donc les mêmes différences géographiques que celles mises en exergue ci-dessus. La moyenne de fautes par match pour l’ensemble des compétitions analysées est d’environ 28, avec une valeur maximale en première division serbe (35,6) et un minimum en Premier League anglaise (21,5).

Figure 9 : moyenne de fautes par match

Matchs disputés entre le 01/07/2019 et le 03/03/2021

En moyenne, une faute comporte un arrêt de jeu de 30,6 secondes. Dans ce cas aussi, les différences entre compétitions sont importantes. À un extrême, la reprise de jeu après une faute est particulièrement lente en Turquie (35,1’’), en Espagne et en Angleterre, tandis qu’elle est particulièrement rapide dans les premières divisions biélorusse (25,5’’), serbe, suédoise ou encore israélienne.

Figure 10 : secondes perdues par faute

Matchs disputés entre le 01/07/2019 et le 03/03/2021

5. Conclusion

Un premier résultat très intéressant de cette étude est l’absence de corrélation entre le temps de jeu effectif et la durée totale des rencontres. Ceci indique que la fluidité du jeu n’a que peu d’influence sur le choix des arbitres de rajouter du temps additionnel. Les écarts observés entre pays sont donc probablement plus liés à des traditions nationales qu’à une réelle prise en compte du rythme inculqué par les joueurs aux rencontres.

Pour plus d’uniformité, la question du passage au temps de jeu effectif comme dans d’autres sports collectifs a ainsi toute sa pertinence. Cependant, par rapport au contexte actuel où les arrêts de jeu ne sont que partiellement compensés, une telle innovation risquerait d’avantager encore plus les équipes dominantes, alors que le problème de l’équilibre compétitif se pose avec de plus en plus d’acuité dans beaucoup de pays.

Le rapport révèle également que la fluidité du jeu dépend aussi de logiques géographiques et culturelles. Ainsi, par exemple, le nombre de fautes et le temps perdu à cause d’elles est plus élevé dans les ligues du Sud et de l’Est de l’Europe que dans les championnats du Nord et de l’Ouest du continent. L’Angleterre constitue un cas à part dans la mesure où le nombre de fautes est particulièrement faible, mais les secondes perdues par faute plutôt élevé.

La Süper Lig turque sort du lot en tant que compétition où la reprise du jeu consécutive à une faute est la plus lente : 35,1’’ d’arrêt de jeu en moyenne contre 30,6’’ dans l’ensemble des compétitions étudiées. La valeur la plus faible a été enregistrée au sein de la première division biélorusse (25,5’’), alors que le nombre de moyen de fautes varie entre 35,6 en Super League serbe et 21,4 en Premier League anglaise.

La proportion du temps d’arrêt de jeu consécutif à des fautes par rapport à la durée totale des rencontres est aussi très différent selon les compétitions. Elle s’étend entre presqu’un cinquième en Super League grecque (19,0 %) et à peine plus d’un dixième en Eredivisie néerlandaise (11,5%). Les valeurs concernant le temps de jeu effectif oscillent par contre entre 66,9% dans la Ligat ha’Al israëlienne et 55,9% en Segunda División espagnole.