1. Introduction

La 73ème édition du Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES analyse les caractéristiques des entraîneurs de 1’866 équipes appartenant à 126 ligues dans 89 pays à travers le monde. L’étude se focalise sur l’âge des coachs, la durée de permanence dans le club entraîné depuis leur entrée en fonction jusqu’au 1er mars 2022, l’origine (national/expatrié) et leur biographie sportive (ancien joueur ou non).

L’analyse compare aussi la population des entraîneurs à celles des joueurs de leurs équipes et championnats respectifs. Pour les compétitions en cours, les effectifs des joueurs ont été constitués à partir de ceux alignés durant la saison. Pour les compétitions en attente, nous avons pris tous les joueurs dans l’effectif.

Figure 1: échantillon de l’étude

Saison 2021/22 ou 2022, situation au 01/03/2022

2. Âge

L’âge moyen des entraîneurs de l’échantillon analysé est de 48,7 ans. Les valeurs varient entre 41,5 ans au niveau de l’United Soccer League (USL) aux États-Unis et 58,6 ans pour le championnat de première division algérien. A l’échelle de l’UEFA, les valeurs extrêmes ont été mesurées dans la deuxième division finlandaise (41,7 ans) et en Ligue 1 française (54,3 ans).

Figure 2: âge moyen des entraîneurs, par ligue

Date: 01/03/2022

Une corrélation statistique positive significative (R2=22.9%) existe entre l’âge moyen des entraîneurs et celui des joueurs. D’une manière générale, plus les championnats réunissent des joueurs âgés, plus les clubs qui en font partie tendent à engager des entraîneurs expérimentés, ou vice versa.

Figure 3: Âge moyen des joueurs et des entraîneurs, par ligue

R2=22.9%

Le plus jeune entraîneur de l’échantillon analysé est Akhil Kothari du club indien de Kenkre FC. Âgé de 26 ans à peine, il s’agit aussi du plus jeune détenteur d’une licence A de l’AFC. À l’autre extrême se trouve le Français Roger Lemerre, qui vient de fêter ses 80 ans. Début mars 2022, l’ex-sélectionneur de l’équipe de France dirigeait depuis novembre 2021 l’Etoile Sportive du Sahel, en première division tunisienne.

Figure 4: entraîneurs les plus jeunes et les plus âgés

Date: 01/03/2022

3. Permanence

En moyenne, au 1er mars 2022, les entraîneurs des équipes prises en compte étaient en poste depuis 451 jours (contre 480 en 2020). La valeur médiane est par contre bien inférieure : 243 jours (301 en 2020). Cet écart traduit le fait qu’un faible nombre d’entraîneurs en charge de leur équipe depuis longtemps tirent la moyenne vers le haut.

Par exemple, dans le premier niveau de compétition argentin, Marcelo Gallardo dirige River Plate depuis juin 2014, soit presque 3'000 jours. Le deuxième entraîneur du championnat en terme de longévité, Mauricio Pellegrini, n’est lui en place à Vélez Sarsfield que depuis 683 jours.

Les valeurs médianes par ligue varient entre un maximum de 1’066 jours en première division nord-irlandaise et un minimum de 76 jours dans le premier niveau de compétition péruvien. Les valeurs très faibles mesurées en Amérique du Sud reflètent une forte tendance à changer d’entraîneur, mais s’expliquent en partie aussi par la date récente de leur début de saison.

Figure 5: permanence médiane des entraîneurs, par ligue

Nombre de jours, date: 01/03/2022

Comme pour l’âge, une corrélation significativement positive (R2=17,3%) existe entre la permanence moyenne des joueurs et des entraîneurs. Ce lien traduit d’importantes différences en matière de cultures managériales selon les pays. Plus les dirigeants des clubs dans une ligue donnée changent d’entraîneur, plus ils font aussi tourner les joueurs dans l’effectif, ou vice versa.

Figure 6: permanence moyenne des joueurs et des entraîneurs, par ligue

R2 = 17.3%

L’entraîneur avec la plus grande longévité parmi les équipes analysées est Jomo Somo, fondateur, président et entraîneur depuis plus de 27 ans du club de Jomo Cosmos, évoluant actuellement en deuxième division sud-africaine. Onze autres coachs sont à la tête de leur équipe depuis au moins une décennie, parmi lesquels celui de l'Atlético Madrid, Diego Simeone.

Figure 7: entraîneurs en poste depuis le plus longtemps

Nombre d'années, date: 01/03/2022

4. Présence étrangère

Un peu moins de 30% des entraîneurs ont grandi dans une autre association que celle du club dirigé. Il s’agit d’un pourcentage équivalent à celui mesuré parmi les joueurs de ces mêmes équipes. Ce résultat indique que le marché du travail des entraîneurs est tout aussi international que celui des footballeurs.

Les expatriés représentent plus de trois quarts des entraîneurs dans cinq premières divisions : trois asiatiques (Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis et Qatar), et deux d’Amérique latine (Guatemala et Mexique). Les expatriés constituent au moins la moitié des entraîneurs dans 30 des 126 ligues étudiées. À l’opposé, 15 championnats n’ont aucun club dirigé par un coach expatrié.

Le pourcentage de joueurs et d’entraîneurs expatriés au sein d’une ligue ne sont que faiblement corrélés pour l’ensemble de l’échantillon (R2=9.3%). En revanche, à l’échelle de chacune des confédérations, la corrélation est forte : 56% dans l’AFC, 35.6% en UEFA et 35.3% dans un regroupement des deux entités américaines (CONCACAF et CONMEBOL).

Ce résultat s’explique en premier lieu par l’existence de quotas limitant le nombre de joueurs expatriés habilités à être engagés par les équipes, notamment en Asie, alors qu’aucun quota n’existe au niveau des entraîneurs.

Comme en 2020, l’Argentine est la nation la plus représentée parmi les entraîneurs expatriés. Les 63 coaches argentins présents à l’étranger au 1er mars 2022 officiaient dans 23 pays différents, dont 54 dans d’autres pays d’Amérique latine ou aux États-Unis. Leurs premières destinations sont le Mexique et le Pérou avec 7 représentants chacun.

Figure 8: origines les plus représentées parmi les entraîneurs expatriés

Avec 46 représentants à l’étranger, les coaches espagnols sont en deuxième position. Ils ont la répartition géographique la plus large avec 31 pays de destinations dans toutes les confédérations. La troisième place des entraîneurs italiens (33 expatriés) est notamment liée à leur forte présence dans le championnat de Saint-Marin.

5. Biographie sportive

Dans le cadre de cette étude, nous avons aussi déterminé si les entraîneurs avaient également été employés comme footballeurs dans des clubs participant à des ligues professionnelles. Au total, ils sont un peu plus des deux tiers à avoir embrassé une carrière de footballeur avant de devenir coach.

Au niveau des postes auxquels les entraineurs ont évolué en tant que joueurs, on observe une légère surreprésentation des milieux-de-terrain (+4.3%) et des défenseurs (+4.2%). À l’opposé, les gardiens (-5.7% et les attaquants (-2.8%) sont sous-représentés.

Figure 9: anciens postes des entraîneurs et postes des joueurs des équipes de l'échantillon

6. Conclusion

Le métier d’entraîneur est très convoité, mais aussi particulièrement ingrat. Boucs émissaires de premier choix, beaucoup de coachs se trouvent en effet sur un siège éjectable. Notre analyse montre que la permanence moyenne à la tête d’une équipe a encore diminué par rapport à l’enquête effectuée en 2020 : 451 jours contre 480.

Le caractère ingrat du métier d’entraîneur est encore plus mis en exergue par la valeur médiane de leur permanence à la tête du club dirigé : 243 jours contre 301 en 2020. Au 1er mars dernier, seuls 20% des entraîneurs étaient en place depuis plus de deux ans. À l’opposé, 39% étaient en poste depuis moins de six mois.

Ces résultats indiquent que seuls un faible nombre d’entraîneurs sont à même de gagner la confiance de leurs dirigeants dans la durée, la grande majorité ne bénéficiant que d’une confiance à très court terme liée aux résultats.