1. Introduction

Le 84ème Rapport mensuel de l’Observatoire du football CIES analyse la dialectique entre attaques placées et attaque rapides grâce aux données collectées par InStat. Cette société a été désormais rachetée par le groupe Hudl, dont fait aussi partie son ancien principal concurrent Wyscout. Les données se réfèrent à la saison en cours pour 52 ligues où plus de dix journées ont été disputées et à la dernière saison achevée pour 23 autres championnats. L’analyse porte ainsi sur 18’000 rencontres.

Les attaques placées sont définies à partir de l’indicateur du nombre de passes réceptionnées par les co-équipiers dans le tiers des adversaires, tandis que les attaques rapides sont définies par le nombre de contre-attaques. Dans la terminologie InStat, la contre-attaque définit les attaques à jeu ouvert menées après avoir récupéré la balle depuis la zone défensive et avoir opéré une transition rapide vers l’attaque alors que l’équipe attaquant précédemment se trouvait dans une disposition tactique offensive.

Figure 1: échantillon de l’étude

2. Analyse par ligue

Les 75 ligues étudiées ont été réparties en quatre quadrants selon les statistiques enregistrées au niveau du nombre de contre-attaques par rencontre (axe horizontal) et du nombre de passes réceptionnées dans le tiers adverse (axe vertical), comme illustré dans la Figure 2. Les axes ont été placés au niveau de la moyenne observée à l’échelle de toutes les ligues, à savoir 13,9 pour les contre-attaques et 96,6 pour les passes en zone offensive.

Figure 2: style de jeu offensif, par ligue

Beaucoup Peu Beaucoup Peu Passes réceptionnées
dans le tiers adverse, par match
Contre-attaques,
par match
Jeu de pression
Jeu d'alternance
Jeu d'attente
Jeu de projection

Le quadrant en haut à gauche réunit 21 ligues dont les équipes présentent des statistiques supérieures à la moyenne pour les passes réceptionnées dans le tiers adverse et inférieures au niveau des contre-attaques. Elles se caractérisent ainsi par un style de jeu offensif de pression collective. Quatre championnats du big-5 figurent dans cette catégorie : la Premier League, la Liga, la Serie A et la Ligue 1. Les ligues d’Europe du nord tendent aussi à privilégier les attaques placées aux attaques rapides, tout comme, en dehors d’Europe, les clubs australiens, brésiliens, japonais, sud-coréens et états-uniens.

Figure 3: ligues dont les clubs privilégient le jeu de pression (classées de la plus à la moins typée)

Le quadrant en haut à droite réunit 16 ligues dont les équipes présentent des statistiques supérieures à la moyenne tant au niveau des contre-attaques que des passes réceptionnées dans le tiers adverse. Elles se caractérisent par un style de jeu offensif alternant attaques placées et attaques rapides. Aucune ligue du big-5 ne se classe dans cette catégorie, où l’on trouve par contre le championnat belge, la première et deuxième division suisse, nombre de championnats d’Europe orientale (Hongrie, Roumanie, Russie, Turquie, etc.), ainsi que seulement deux non-européens (Chili et Afrique du Sud).

Figure 4: ligues dont les clubs privilégient le jeu d’alternance (classées de la plus à la moins typée)

Le quadrant en bas à gauche réunit 18 ligues dont les équipes présentent des statistiques inférieures à la moyenne tant au niveau des contre-attaques que des passes réceptionnées dans le tiers adverse. Elles pratiquent un style de jeu offensif attentiste. Parmi ces championnats on trouve notamment les deux premières divisions allemandes, avec néanmoins des valeurs au niveau des contre-attaques très proches de la moyenne, la première et deuxième division portugaise, ainsi que plusieurs ligues non-européennes (Chine, Mexique, Arabie Saoudite, Qatar, etc.).

Figure 5: ligues dont les clubs privilégient le jeu d'attente (classées de la plus à la moins typée)

Le quadrant en bas à droite réunit 20 ligues dont les équipes présentent des statistiques supérieures à la moyenne pour les contre-attaques et inférieures au niveau des passes réceptionnées dans le tiers adverse. Elles se caractérisent par un style de jeu offensif de projection privilégiant les attaques rapides. Divers championnats d’Amérique latine figurent dans cette catégorie, à l’image des deux premières divisions argentines. Les championnats d’Autriche, de Croatie et de Serbie sont les seules premières divisions européennes pratiquant un jeu de projection.

Figure 6: ligues dont les clubs privilégient le jeu de projection (classées de la plus à la moins typée)

3. Analyse par club

L’analyse à l’échelle des ligues nous a permis de les classer selon le style de jeu offensif prioritairement pratiqué. Néanmoins, le style dominant observé au sein d’un championnat n’est pas représentatif de l’ensemble des clubs en faisant partie. L’analyse par équipe selon la même méthode et les mêmes catégories formulées précédemment est ainsi particulièrement intéressante afin de déterminer plus précisément le style de jeu offensif de chaque club.

Figure 7: style de jeu offensif par club, par ligue

Beaucoup Peu Beaucoup Peu Passes réceptionnées
dans le tiers adverse, par match
Contre-attaques,
par match
Jeu de pression
Jeu d'alternance
Jeu d'attente
Jeu de projection

Par exemple, le style offensif prioritairement pratiqué en Liga espagnole est le jeu de pression, mais seulement onze des 20 équipes se classent dans cette catégorie, dont Barcelone, Real Madrid et Atlético de Madrid. Une équipe, Athletic Club, pratique un jeu alternant attaques placées et attaques rapides, tandis que huit clubs se classent dans la catégorie du jeu d’attente et aucune dans celle du jeu de projection.

Au niveau de la Premier League anglaise, neuf clubs sur 20 se classent dans la catégorie du jeu de pression, dont toutes les équipes dominantes à l’exception de Liverpool, qui pratique plutôt un style de jeu offensif d’alternance, au même titre que Leeds United. Neuf clubs sont dans la catégorie du jeu d’attente, alors que, comme en Espagne, aucun ne se trouve dans celle du jeu de projection. Sur les 15 équipes du big-5 qui pratiquent un jeu de projection, huit sont de Bundesliga, quatre de Serie A et trois de Ligue 1.

Figure 8: répartition des équipes par style de jeu offensif, par ligue

4. Conclusion

Le croisement des données sur le nombre de contre-attaques et celui de passes réceptionnées dans le tiers adverse permet de distinguer différents styles de jeu offensifs. Nous avons ainsi pu établir quatre grandes catégories : le jeu de pression privilégiant les attaques placées, le jeu d’alternance mélangeant attaques placées et attaques rapides, le jeu d’attente avec des valeurs inférieures à la moyenne pour les deux indicateurs offensifs, ainsi que le jeu de projection privilégiant les attaques rapides.

L’analyse par ligue montre que vingt des 75 ligues étudiées se classent dans la catégorie du jeu de pression, dont quatre des cinq championnats du big-5 : Premier League, Liga, Serie A et Ligue 1. La Bundesliga allemande est dans la catégorie du jeu d’attente, avec néanmoins des valeurs au niveau des contre-attaques très proches de la moyenne, qui auraient pu la faire basculer dans la catégorie du jeu de projection à l’image de nombreux championnats d’Amérique latine, dont les deux premières divisions argentines.

L’analyse à l’échelle des ligues permet de dégager un style de jeu offensif prioritaire, mais ce style n’est pas représentatif de tous les clubs d’un championnat. L’analyse par club permet ainsi de définir plus précisément les options tactiques offensives des équipes. Bien qu’à différents degrés, la majorité des clubs les plus compétitifs sont adeptes du jeu de pression. Néanmoins, il existe des exceptions comme par exemple Liverpool et Borussia Dortmund qui pratiquent un jeu d’alternance, Rome et Juventus adeptes du jeu d’attente ou encore Milan et Eintracht qui pratiquent un jeu de projection.

Finalement, nous tenons à remercier les responsables d’InStat qui ont facilité l’accès à leurs données en ayant bien compris le sens de notre démarche et la mission que nous nous sommes fixés de repousser les frontières de la connaissance au service du développement durable du football dans le monde. Nous sommes persuadés que nos nombreux lecteurs assidus se joignent volontiers à nos remerciements.