1. Introduction
Le 89ème Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES compare 48 ligues dans le monde selon les caractéristiques démographiques des joueurs dans les effectifs : 31 premières divisions d’associations membres de l’UEFA, neuf de la CONMEBOL, six de l'AFC et deux de la CONCACAF : la MLS américaine et la Liga MX mexicaine.
Figure 1: échantillon de l’étude (octobre 2023)
Pour être pris en compte, un joueur devait faire partie de l’effectif de la première équipe des clubs analysés au 1er octobre. Il devait aussi avoir joué en championnat lors de la saison en cours ou, le cas échéant, avoir disputé des rencontres dans des ligues adultes lors de chacune des deux saisons précédentes (équipes B non comprises). Les deuxièmes et éventuels troisièmes gardiens ont été inclus dans tous les cas.
2. Âge des joueurs
En moyenne, les 20'779 joueurs analysés avaient 26,38 ans au 1er octobre 2023. La première division slovène réunit en moyenne les plus jeunes footballeurs (24,16 ans), suivie par dix autres ligues d’associations membres de l’UEFA. Le championnat extra-européen composé par les plus jeunes joueurs, la première division vénézuélienne (25,46 ans), n’est qu’à la 12ème place. Il faut descendre au 22ème rang pour trouver un deuxième championnat non-européen : la Primera División argentine (26,29 ans).
À l’autre bout du classement, les trois ligues regroupant les footballeurs les plus expérimentés se situent en Asie (Chine, Japon et Arabie Saoudite). Avec les premières divisions de Corée du Sud, du Pérou et d’Équateur, six des huit championnats les plus âgés sont extra-européens. Ces résultats indiquent l’existence de spécificités géographiques dans l’âge des joueurs composant les effectifs, avec une focalisation sur les jeunes bien plus forte en Europe qu’ailleurs dans le monde.
Figure 2: âge moyen des joueurs, par ligue (octobre 2023)
Les différences géographiques dans l’âge des joueurs composant les effectifs sont visibles aussi à l’échelle des clubs. En effet, 18 des 20 clubs réunissant les plus jeunes footballeurs sont européens, avec deux équipes biélorusses en tête de classement (Energetik-BGU et FK Minsk). Les Vénézuéliens de Mineros de Guayana et les Colombiens d’Envigado sont les seuls clubs extérieurs à l’UEFA dans le top 20.
Figure 3: clubs les plus jeunes (octobre 2023)
Inversement, douze des 20 clubs réunissant les footballeurs les plus expérimentés se situent en dehors d’Europe, avec les Chinois de Qingdao Hainiu en tête de liste (31,48 ans). L’ensemble des équipes d’associations de l’UEFA dans le top 20 des clubs les plus âgés font partie de ligues méditerranéennes (Grèce, Chypre, Turquie et Espagne), ce qui reflète l’existence de déterminants géographiques dans la structure d’âge des équipes à l’intérieur même du continent européen.
Figure 4: clubs les plus âgés (octobre 2023)
3. Joueurs expatriés
Des différences spatiales émergent aussi au niveau de la présence de joueurs expatriés dans les effectifs. Les expatriés sont définis comme les joueurs évoluant en dehors de l’association où ils ont grandi, qu’ils ont quitté suite au recrutement par un club étranger. Aucune ligue non-européenne ne figure parmi les huit championnats où la part d’expatriés est la plus importante, avec uniquement la MLS américaine (9ème) et la Pro League émirati (20ème) aux vingt premiers rangs.
À l’opposé, dix des douze championnats au sein desquels les expatriés sont relativement les moins nombreux sont situés en dehors d’Europe, les seules exceptions étant les premières divisions de deux pays dans une zone de conflit : l’Ukraine et la Biélorussie. L’analyse montre donc une internationalisation du marché du travail des footballeurs bien plus poussée en Europe, ainsi qu’aux États-Unis, que partout ailleurs dans le monde.
Figure 5: % d'expatriés, par ligue (octobre 2023)
L’ensemble des vingt équipes où les expatriés constituent la plus forte proportion de joueurs font partie d’associations de l’UEFA, avec deux clubs cypriotes en tête : Pafos FC (92,3%) et Aris Limassol (88,5%). La première équipe non-européenne, Portland Timbers de la MLS, n’est que 22ème (74,2%). Al-Wasl des Émirats Arabes Unis est le club d’Asie avec le plus grand pourcentage d’expatriés (57,1%), tout comme les Chiliens de Colo Colo en Amérique du Sud (37,9%).
Figure 6: plus hauts % d'expatriés, par club (octobre 2023)
4. Stabilité des effectifs
D’importantes différences entre ligues existent aussi en ce qui concerne la stabilité des effectifs, mesurée par le biais de l’indicateur du pourcentage de nouvelles recrues. Celles-ci sont définies comme les joueurs présents au club depuis moins d’une année. La part de nouvelles recrues varie entre 32,1% en J1 japonaise et 56,7% en Süper Lig turque, avec une moyenne générale de 44,2%. Dans 264 des 775 clubs analysés, les joueurs recrutés au cours de la dernière année représentent au moins la moitié des footballeurs.
Si les championnats d’Asie de l’Est (Japon, Chine et Corée du Sud) font partie de ceux dont les effectifs des clubs sont les plus stables, plusieurs ligues d’Amérique du Sud (Paraguay, Équateur, Colombie et Uruguay notamment) se trouvent dans une situation opposée. En Europe, quatre des cinq championnats du big-5, l’Eredivisie néerlandaise et les ligues des pays nordiques sont parmi les plus stables, alors que celles d’Europe sud-orientale (Turquie, Chypre, Serbie, Grèce et Roumanie notamment) sont particulièrement instables.
Figure 7: % de nouvelles recrues, par ligue (octobre 2023)
En prenant en compte le permanence moyenne des joueurs dans l’effectif de la première équipe de leur club d’emploi, la plus faible valeur a été mesurée pour les Chypriotes d’AEZ Zakakiou, avec 24 des 27 joueurs dans l’effectif recrutés depuis moins d’une année et une permanence moyenne de 1,11 saisons en comptant celle en cours. La plupart des équipes les plus instables font partie de ligues peu compétitives et sont de niveau plutôt modeste.
Figure 8: équipes les plus instables, permanence moyenne (octobre 2023)
De nombreux clubs de premier rang figurent parmi les équipes dont les joueurs sont présents depuis le plus de temps dans l’effectif, ce qui reflète le lien entre stabilité et performance. Dans le top 20 des équipes les plus stables, il y a notamment Real Madrid, Bayern Munich, Liverpool et Atlético Madrid, sans oublier d’autres clubs très bien structurés comme Athletic Club, Heidenheim et SC Freiburg, trois équipes japonaises, les Saoudiens d’Al-Hilal, les Tchèques du FC Slovácko, ainsi que les meilleurs clubs de Chine, du Qatar et des Émirats Arabes Unis.
Figure 9: équipes les plus stables, permanence moyenne (octobre 2023)
5. Conclusion
L’analyse démographique de la composition des effectifs des équipes de football dans 48 ligues à travers le monde donne à voir d’importantes différences dans les stratégies suivies par les clubs. Le marché du travail européen se démarque des autres à la fois par une plus forte présence de jeunes joueurs et une part plus importante de footballeurs expatriés.
Du point de vue de l’âge, la moyenne mesurée à l’échelle des 31 premières divisions d’associations de l’UEFA analysées est presque un an plus faible que celle enregistrée dans les 17 ligues extra-européennes de l’échantillon : 25,97 contre 26,96 ans. En ce qui concerne la part d’expatriés, l’écart est de 19,8% : 43,6% contre 23,8%. Ces résultats reflètent la plus forte propension des équipes européennes à faire confiance à des jeunes joueurs, tant ayant grandi nationalement qu’importés de l’étranger.
Si les championnats d’Amérique du Sud et d’Asie ont tendance à se ressembler du point de vue de l’âge, avec relativement peu de jeunes, ainsi que des origines, avec comparativement peu d’expatriés, ils se différencient fortement du point de vue de la stabilité des effectifs. La part des joueurs présents au club depuis moins d’une année est en effet 9,8% plus grande dans les neuf ligues sudaméricaines que dans les six championnats asiatiques analysés : 49,0% contre 39,2%.
Sur le plan de la stabilité des effectifs, des spécificités spatiales existent aussi à l’échelle intra-européenne, avec des niveaux passablement différents se dessinant autour d’une double polarité Ouest (plus de stabilité) – Est (moins) et Nord (plus de stabilité) – Sud (moins). Ces différences géographiques renvoient également à des écarts de nature économique, les clubs les plus compétitifs possédant tendanciellement des effectifs plus stables que les autres.